Vendredi 9 juillet 2021
Par Martin Boucher
Directeur général des communications numériques gouvernementales

Imaginez organiser une recherche en invitant tous les internautes adultes québécois à expérimenter un service numérique spécifique durant une période donnée. En plus, on demanderait aux participants de ne pas avoir recours au service au même moment, mais plutôt de procéder à une date précise, en fonction de leur âge!

En temps normal, ce genre d’expérimentation serait impossible à organiser, mais nous ne sommes pas dans une période normale…

La présente campagne de vaccination et le passage obligé vers Québec.ca ont fourni une occasion historique d’observer les usages de pratiquement tous les internautes québécois. De plus, puisque la prise de rendez-vous pour un vaccin était rendue disponible en fonction de l’âge, nous avons pu associer des usages particuliers à des groupes d’âge spécifiques. Alors que la campagne de vaccination se déployait, Québec.ca est donc devenu un véritable laboratoire d’expérience usager grandeur nature.

Malgré tous les biais qu’on peut associer à ce genre d’analyse, il s’agit tout de même d’une fenêtre inédite sur les pratiques des internautes et conséquemment, sur les attentes des citoyens à l’égard des services numériques gouvernementaux.

Des données massives

Du 1er mars au 20 mai 2021, la vaccination a généré un trafic de 24,3 millions de pages vues, ce qui représente 30 % du trafic total de Québec.ca durant cette période. Ces visites ont généré 12,3 millions de clics vers la plateforme ClicSanté (taux de clic de 51 %), ce qui est énorme compte tenu du fait que la page Québec.ca/VaccinCovid fournit des informations générales, en plus de donner accès à ClicSanté.

Appareils utilisés et groupes d’âge

Il est important de garder à l’esprit que ces données ne sont pas des résultats de sondage ou une estimation des taux d’équipement, mais bien d’une mesure de l’usage effectif des appareils durant la période donnée.

Nous avons analysé l’usage d’appareils dans le temps et à chaque moment où la prise de rendez-vous était rendue disponible pour un nouveau groupe d’âge.

On savait déjà qu’une bonne proportion de personnes plus âgées préfère utiliser un ordinateur plutôt qu’un téléphone intelligent pour consulter le Web, mais notre petite étude nous a permis de mesurer l’ampleur de ce phénomène pour la première fois.

Sans surprise, on constate que l’usage du téléphone augmente à mesure que les cohortes sont de plus en plus jeunes. Le phénomène inverse s’observe en ce qui concerne l’usage de l’ordinateur. La tablette, quant à elle, est l’appareil qui présente l’évolution d’usage la plus marquée, passant de 21% en mars 2021 à seulement 8% en mai 2021. À partir de la disponibilité de la vaccination pour les 50 ans et plus, les usages semblent se cristalliser.

Appareils utilisés en fonction de l’heure de la journée

Il est aussi intéressant d’observer l’évolution de l’usage en fonction de l’heure de la journée. Les données « historiques » de Québec.ca montrent que l’usage de l’ordinateur est plus élevé durant la journée, mais sans jamais dépasser le téléphone, qui est globalement l’appareil le plus utilisé, et de loin.

Même en tenant compte du fait que le confinement semble avoir eu un effet global sur l’augmentation de l’utilisation de l’ordinateur pour consulter le Web, le profil d’usage de la page VaccinCovid est quand même différent des autres pages de Québec.ca. L’usage de l’ordinateur demeure très fort durant le jour, même durant la période où la vaccination était offerte au 18 ans et plus.

Nous retenons de cette analyse que la règle selon laquelle les services numériques doivent être optimisés d’abord pour les téléphones intelligents est toujours pertinente, mais il ne faut pas négliger pour autant l’expérience usager sur tous autres types d’appareils. Aussi, l’usage des différents appareils semble dépendre de la tâche à accomplir, peu importe l’âge. Pour une simple recherche d’information, on utilise d’avantage le téléphone intelligent. Pour effectuer une tâche plus complexe comme la prise d’un rendez-vous, la préférence de l’ordinateur augmente. Pourquoi? Possiblement parce les internautes, avant même d’initier leur démarche et peu importe l’âge, estiment qu’une démarche complexe sera plus facile à faire sur un ordinateur.

Arrimage des services à Québec.ca, des orientations basées sur des données probantes

La campagne de vaccination confirme de façon claire certaines de nos hypothèses en ce qui concerne la façon dont les citoyens accèdent aux services numériques. Conséquemment, ces conclusions renforcent nos orientations en matière d’arrimage des services à Québec.ca.

Révélation-choc : Les citoyens n’utilisent (vraiment) pas les adresses Web et se réfèrent à Google pour l’information et les services gouvernementaux. La pandémie a donné lieu à une campagne de communication d’une ampleur jamais vue. Aucune adresse numérique n’a été plus visible que l’adresse Québec.ca/coronavirus dans l’histoire du Québec. Malgré cela, une infime minorité d’usagers ont effectivement utilisé l’adresse Québec.ca/coronavirus pour interagir avec le gouvernement. En fait, l’utilisation de l’adresse Web est responsable de 0,03 % des visites (pas 3 %, mais bien 0,03 %). Pourtant, Québec.ca a généré un trafic record de 180 millions de pages vues en 2020. En réalité, les citoyens accèdent directement à l’information au service souhaité en faisant une recherche dans Google. Les citoyens ne « naviguent » donc pas dans Québec.ca (95 % des usagers de Québec.ca ne passent pas du tout par la page d’accueil).

À l’interne au gouvernement, on perçoit une grande différence entre information et services parce que, typiquement, l’information est gérée par les équipes de communication et les services sont développés par les équipes de TI. Mais la pandémie nous montre que les citoyens ne font absolument pas de différence entre obtenir une information ou avoir recours à un service transactionnel complexe. Pour eux, Québec.ca est un portail unique où tout doit se trouver. Notre grande mission est donc de s’inspirer des apprentissages de la pandémie et de mobiliser nos équipes internes (communication, TI, secteurs d’affaires, autorités, etc.) pour que les citoyens accèdent à l’information et aux services gouvernementaux de façon transparente et conviviale.

Ces orientations basées sur les comportements observés des citoyens remettent en question beaucoup de perceptions et de pratiques bien établies. Adapter nos pratiques et se mobiliser de façon différente, c’est beaucoup ça la transformation numérique.