Un contexte marqué par l’accroissement des catastrophes et des risques

L’une des réalités avec laquelle le Québec doit composer, comme la plupart des autres sociétés dans le monde, est l’augmentation constante des sinistres depuis les années 1970. Le bilan des catastrophes survenues sur le territoire québécois démontre en effet une tendance à la hausse de ces événements. De tous les sinistres qui se sont produits au cours des dernières décennies, ceux de grande ampleur retiennent évidemment le plus l’attention.

À ce chapitre, la catastrophe ferroviaire survenue à Lac-Mégantic en juillet 2013 se démarque de par ses conséquences humaines, socio-économiques et environnementales. De même, l’incendie tragique d’une résidence pour personnes âgées à L’Isle-Verte en janvier 2014 a entraîné de lourdes conséquences sur le plan humain et touché toute la population québécoise. On se souvient également des sinistres majeurs causés par les inondations en Montérégie au printemps 2011 et par les épisodes successifs de submersion côtière et d’inondation dans l’est du Québec en décembre 2010. Comment oublier, en remontant un peu plus loin dans le temps, les conséquences de la tempête de verglas dans le sud-ouest québécois en janvier 1998 et celles des pluies diluviennes de juillet 1996 au Saguenay–Lac-Saint-Jean? Ces catastrophes ont marqué la mémoire collective. Plusieurs autres événements importants se sont aussi produits dans les différentes régions québécoises au cours de cette période, lesquels ont aussi entraîné de lourdes conséquences pour les collectivités touchées.

L’usage courant du terme sinistre en matière de sécurité civile constitue une réalité propre au Québec. Ailleurs dans la francophonie, le terme sinistre est peu utilisé. C’est plutôt le terme catastrophe qui est privilégié pour décrire la même situation. Dans la présente politique, les termes sinistre et catastrophe doivent être interprétés comme étant des synonymes.

Aucune région québécoise, aucune municipalité, aucune organisation ni aucun citoyen ne peut se croire à l’abri des sinistres. Il peut être tentant et rassurant pour certains de penser que ces événements se produisent ailleurs et que nous sommes protégés contre de telles éventualités. La réalité est toutefois différente. Chaque année des collectivités québécoises font face à de telles situations, et ce, de façon de plus en plus fréquente et importante. À l’échelle du milieu où ils surviennent, les aléas en cause génèrent des pertes majeures et perturbent considérablement le fonctionnement normal de la communauté.

Si le nombre et l’importance des sinistres sont en croissance, cela découle en amont d’une augmentation des risques auxquels sont confrontées les collectivités. L’accroissement des risques et des catastrophes peut être attribué à divers facteurs, dont plusieurs résultent des décisions que nous prenons et du mode de vie des sociétés modernes. Les changements climatiques, l’utilisation accrue de matières dangereuses, le développement à l’intérieur de zones exposées à des aléas majeurs et notre dépendance toujours plus grande à des technologies et à des systèmes complexes, interactifs et interdépendants sont au nombre des facteurs qui favorisent l’augmentation des risques et des catastrophes. On note également l’accroissement de la population, de l’étendue et de la densité des agglomérations, la progression du nombre et de la valeur des biens exposés, la destruction ou l’altération de milieux constituant une protection naturelle contre les aléas, le vieillissement de la population et l’usure des infrastructures. Le cumul des aléas potentiels et des éléments vulnérables sur un même territoire, jumelé aux effets de cascade qu’il peut provoquer, apparaît aussi comme un facteur contribuant à cette situation. Ainsi, non seulement sommes-nous exposés à des aléas de toute nature dont la fréquence et l’intensité sont, pour plusieurs, en constante augmentation, mais aussi de plus en plus vulnérables à ces divers phénomènes ou situations pouvant être à l’origine de catastrophes.

Certes, les progrès technologiques amorcés au 20e siècle ont permis d’améliorer les conditions de vie de la plupart des sociétés modernes. Toutefois, nous devons considérer que le développement et l’évolution de nos collectivités, aussi positifs soient-ils, ont contribué à accroître ou à générer des risques qui s’avèrent parfois importants. Devant de telles circonstances, nous devons agir afin d’accroître la résilience de la société québécoise aux catastrophes. Au-delà des conséquences économiques souvent considérables découlant des sinistres et du fait qu’il nous faut veiller à la pérennité des investissements passés et futurs, nos actions doivent d’abord et avant tout viser à assurer la sécurité des personnes et le bien-être des communautés.

Vision et portée de la politique

Une société québécoise plus résiliente aux catastrophes

Nous devons agir de façon proactive afin de freiner cette tendance à l’augmentation des risques et des sinistres pouvant mettre en péril non seulement la santé et la sécurité de la population, mais aussi le bien-être et le développement durable de nos collectivités. C’est dans cet esprit que cette toute première politique québécoise de sécurité civile a été élaborée. Reposant sur la vision d’une société québécoise plus résiliente aux catastrophes, cette politique précise les fondements, les orientations et les objectifs devant permettre d’assurer, à tous les niveaux, une meilleure gestion des risques et des sinistres. Elle cherche à favoriser la consolidation, l’optimisation et la bonification des efforts et des ressources consacrés à la sécurité civile, afin de prévenir des décès et des blessures et de limiter les coûts socio-économiques de plus en plus lourds associés à de tels événements.

S’adressant à l’ensemble des acteurs, la politique québécoise de sécurité civile établit un cadre d’action commun à tous pour les dix années à venir. Elle se veut l’assise à partir de laquelle seront déployés, d’ici 2024, les divers moyens et mesures qui permettront d’accroître la résilience des collectivités québécoises aux catastrophes.

En plus de répondre à un besoin exprimé par divers acteurs québécois, cette politique est en concordance avec les mesures préconisées à l’échelle internationale. Prenant assise sur l’article 62 de la Loi sur la sécurité civile (RLRQ, chapitre S-2.3), elle se situe en continuité de nombreuses actions réalisées au cours des dernières années. Du reste, dans un monde en perpétuelle évolution marqué par l’augmentation des risques et des catastrophes, force est de constater que beaucoup reste à faire pour accroître la résilience de la société québécoise.

Rappel des concepts de base en sécurité civile

La notion de risque, telle qu’elle est utilisée dans ce document, implique la présence de deux éléments fondamentaux : un aléa potentiel et un milieu qui présente une vulnérabilité à celui-ci.

L’aléa se définit comme un phénomène ou une activité humaine susceptible d’occasionner des pertes en vies humaines ou des blessures, des dommages aux biens, des perturbations sociales et économiques ou une dégradation de l’environnement. On pense notamment à une inondation, à un séisme, à une sécheresse ou à un accident mettant en cause des matières dangereuses. Chaque aléa potentiel se caractérise, entre autres, en un point donné, par une probabilité d’occurrence et une intensité données.

La vulnérabilité représente, quant à elle, une condition résultant de facteurs physiques, sociaux, économiques ou environnementaux, qui prédispose la population et les autres éléments exposés à un aléa à subir des préjudices ou des dommages. Le niveau de vulnérabilité d’un milieu à un ou plusieurs aléas peut varier principalement selon le degré d’exposition, la valeur ou l’importance stratégique ainsi que la sensibilité des éléments exposés. La vulnérabilité fait donc référence aux situations et aux caractéristiques intrinsèques d’un milieu ou d’éléments de celui-ci, qui conduisent à anticiper des conséquences néfastes pouvant résulter d’un ou de plusieurs aléas.

Le risque se présente ainsi comme le résultat de l’interaction entre un aléa potentiel et la vulnérabilité des éléments exposés à son égard. Il correspond à la combinaison de la probabilité d’occurrence d’un aléa et des conséquences pouvant en résulter sur les éléments vulnérables d’un milieu donné.

La catastrophe ou le sinistre se rapporte à une situation résultant d’un ou de plusieurs aléas dans laquelle de façon générale :

le fonctionnement normal de la communauté ou de la société touchée est fortement perturbé ;

des pertes humaines, matérielles, économiques ou environnementales importantes sont observées ;

le milieu concerné n’est pas en mesure, avec les ressources et les capacités dont il dispose, de faire face aux conditions et aux conséquences observées.

Le lecteur qui désire en connaître davantage sur ces éléments est invité à consulter le document publié par le ministère de la Sécurité publique (MSP) intitulé Concepts de base en sécurité civile.

Qu’est-ce qu’une collectivité résiliente?

Une collectivité résiliente est celle qui présente, sur une base permanente, des caractéristiques permettant d’éviter la manifestation d’un aléa lorsque possible, de limiter ses probabilités d’occurrence, de lui offrir une résistance lorsqu’il survient et de s’en remettre adéquatement par la suite. La résilience est associée tant aux conditions physiques que sociales, économiques et environnementales d’un milieu. Parce qu’elle se fonde dans le caractère même de la collectivité, elle est liée à des enjeux et à des préoccupations qui dépassent largement ceux associés à la sécurité civile.

Deux fondements sur lesquels s’appuie la politique

Devant l’augmentation des risques et des catastrophes et dans une perspective de développement durable, la sécurité civile constitue désormais une préoccupation et un enjeu majeur au sein de la société québécoise. Elle doit, dans ce contexte, compter sur des assises solides sur lesquelles s’appuieront les efforts que nous déploierons en vue de développer une culture de sécurité civile au Québec et d’accroître notre résilience aux catastrophes. Deux fondements largement reconnus et soutenus par des énoncés ont guidé l’élaboration de cette politique et devront inspirer sa mise en œuvre.

Le premier repose sur le fait que la sécurité civile constitue une responsabilité partagée. Elle interpelle en effet tous les acteurs de la société, du citoyen aux ministères et organismes gouvernementaux, en passant par les municipalités, les organisations et les entreprises de toute nature. Elle requiert la prise en compte de facteurs et de considérations multiples et la réalisation d’un large éventail de mesures. Parmi les énoncés qui soutiennent ce fondement se trouve celui précisant que les citoyens, les municipalités et les entreprises sont les premiers acteurs responsables d’agir à l’égard de leur sécurité, de celle de leurs biens et de celle des activités qu’ils exercent.

Le second fondement s’appuie sur la nécessité d’aborder la sécurité civile et les actions en la matière selon une approche globale et intégrée. Cela se traduit par la prise en compte de tous les aléas, l’adoption de mesures couvrant les quatre dimensions de la sécurité civile (prévention, préparation, intervention, rétablissement) et la réalisation d’actions concertées de tous les acteurs à tous les niveaux. L’un des énoncés soutenant ce fondement se rapporte à la pertinence de privilégier une approche de gestion des risques de sinistre misant sur l’amélioration continue.

La mise en œuvre et le suivi de la politique

Bâtir une collectivité plus résiliente aux catastrophes est un défi qui interpelle tous les acteurs de la société québécoise, car chacun de nous doit intensifier ses efforts pour éviter ou limiter les conséquences des sinistres. La nature des moyens déployés, individuellement et collectivement, variera selon les milieux, les intervenants, leurs réalités et les ressources disponibles.

En vue de la mise en œuvre de cette politique et pour assurer la concertation entre les divers acteurs, l’Organisation de la sécurité civile du Québec (OSCQ) élaborera, au cours de l’année 2014, sous la coordination du MSP, un plan d’action national et elle en assurera un suivi régulier1. Ce plan sera soumis au Comité de sécurité civile du Québec (CSCQ) pour approbation. Tous les acteurs de la société québécoise seront interpellés, directement ou indirectement, par la mise en œuvre de ce plan.

1. L’annexe expose quelques exemples de moyens pouvant être envisagés dans le cadre de la mise en œuvre de la politique.

Des mécanismes de suivi et des indicateurs de performance seront établis, parallèlement à l’élaboration du plan d’action national, dans le but de suivre l’évolution de la situation, de s’assurer de l’atteinte des cibles fixées et d’évaluer l’efficacité des mesures prises. En fonction des données accessibles et afin de dégager une perspective globale de la mise en œuvre de la politique, ces mécanismes et indicateurs couvriront tant les actions réalisées par les ministères et organismes que celles mises en place par les autres acteurs de la société québécoise.

Un rapport intérimaire de mise en œuvre de la politique sera réalisé à mi-parcours, soit au cours de l’année 2019. Dans le contexte de l’élaboration de celui-ci, il pourrait être jugé opportun de réviser le plan d’action national et de proposer au CSCQ, le cas échéant, des ajouts ou des modifications. Le rapport final sera produit suivant l’échéance de 2024. Sous la responsabilité de l’OSCQ, ces rapports dresseront un état de la situation pour toutes les sphères de la société – citoyens, organisations et entreprises de la société civile, municipalités, milieu de l’enseignement et de la recherche, ministères et organismes gouvernementaux. Avant d’être rendus publics, ces rapports seront déposés au CSCQ ainsi qu’aux membres du Comité consultatif en sécurité civile et incendie.

Les défis de la résilience

Bâtir une collectivité résiliente est un projet de société qui comporte de nombreux défis, entre autres ceux :

  • de mobiliser et de responsabiliser chacun des acteurs du milieu et de susciter leur engagement;
  • de mieux intégrer la sécurité civile au nombre des préoccupations sociales et dans les pratiques courantes des organisations;
  • d’investir en prévention dans un contexte marqué par des ressources qui se font de plus en plus limitées et des besoins variés qui sont souvent en pleine croissance;
  • d’innover et de recourir à des façons de faire qui permettront d’atteindre les objectifs de la présente politique avec efficacité et efficience.

Une politique qui interpelle tous les acteurs de la société québécoise

Les citoyens

La résilience aux catastrophes se construit d’abord à partir des mesures prises par chacun des citoyens. En veillant, par leurs actions, à accroître leurs connaissances des aléas auxquels ils sont exposés, à prévenir ou à atténuer, lorsque possible, les conséquences potentielles de ces derniers dans leur milieu, en s’assurant de la cohérence de leurs actions avec celles prises par d’autres acteurs, en respectant les lois, les règlements et les normes en vigueur, en participant à la vie citoyenne et en favorisant la solidarité et l’entraide, les citoyens concourent à l’atteinte des objectifs de la présente politique.

Les organisations et les entreprises de la société civile

Qu’il s’agisse d’industries, de commerces, de compagnies d’assurance, d’organismes communautaires, d’entreprises de consultation ou d’autres natures, toutes ces organisations sont interpellées, de diverses façons, par la présente politique. En faisant de la gestion des risques et des sinistres une préoccupation courante dans leur organisation, en collaborant aux activités de sécurité civile au sein de leur communauté, en respectant les lois, les règlements et les normes en vigueur, en s’assurant de la cohérence de leurs actions avec celles prises à d’autres niveaux ainsi qu’en partageant de l’information pertinente lorsqu’il est possible et justifié de le faire, ces organisations accroissent la résilience de la société québécoise aux catastrophes. Elles y contribuent également en veillant à la sécurité de leurs activités pour leur personnel, leurs clientèles et les milieux environnants, en fournissant des ressources, une expertise et des services essentiels à la communauté ainsi qu’en assurant la qualité et la fiabilité de leurs produits et services et la pérennité de leurs activités.

Les municipalités locales et régionales ainsi que les agglomérations

Les municipalités locales et régionales tout comme les agglomérations ont un rôle clé dans le renforcement de la résilience de la société québécoise aux catastrophes du fait qu’elles assument plusieurs responsabilités en sécurité civile. En plus de coordonner et de planifier l’ensemble des efforts déployés en la matière sur leur territoire, elles doivent mobiliser les acteurs et mettre en œuvre des actions concrètes permettant de prévenir les sinistres et de se préparer à faire face à ces événements. Dans cette perspective, elles doivent s’assurer de la cohérence de leurs actions avec celles prises à d’autres niveaux. Au moment et à la suite des sinistres, elles doivent déployer des ressources afin d’apporter de l’aide aux populations touchées et gérer la situation en vue d’un rétablissement le plus rapide et efficace possible. Lorsque des catastrophes se produisent dans une autre collectivité, elles peuvent être appelées à fournir une assistance dans le cadre d’une opération d’entraide municipale. En parallèle à ces responsabilités, elles doivent également tenir compte des risques dans les décisions qu’elles prennent en matière d’aménagement et d’urbanisme. Dans le cadre de la présente politique, elles devront contribuer à la mise en œuvre de certaines mesures qui découleront du plan d’action national.

Les ministères et les organismes gouvernementaux ainsi que les réseaux et les établissements publics et parapublics

Les ministères et les organismes gouvernementaux ainsi que les réseaux et les établissements qui leur sont affiliés concourent de plusieurs façons à l’atteinte des objectifs de la présente politique. Étant d’abord grandement interpellés par la mise en œuvre du plan d’action national qui en découlera, et ce, en fonction de leurs mandats respectifs, ils doivent favoriser la mise en œuvre de la présente politique auprès de leurs clientèles. Ils ont également la responsabilité de soutenir, par divers moyens et diverses ressources, les citoyens, les organisations et les entreprises de la société civile ainsi que le milieu municipal dans les efforts qu’ils déploient en matière de sécurité civile. De même, ils concourent, pour plusieurs, à améliorer la santé et la sécurité de la population ainsi que le bien-être et le développement durable de nos collectivités par la prise en compte des préoccupations relatives aux risques et aux catastrophes dans leurs politiques, leurs programmes, leurs réglementations ainsi que dans leur gestion courante.

* Il est à noter que les attentes particulières à l’égard de chacun des acteurs de la société québécoise, relativement aux orientations et aux objectifs de cette politique, sont plus largement exposées dans la version intégrale de la Politique québécoise de sécurité civile 2014-2024.

Modes de financement des actions

En amont des aspects liés au financement des actions, la sécurité civile, à l’instar du développement durable, requiert avant tout une prise de conscience des enjeux et une intégration de cette préoccupation dans les pratiques courantes et les projets des organisations de toute nature. Dans cet esprit, celles-ci sont invitées à prévoir à leur budget annuel des postes financiers alloués à ces préoccupations et à assurer une récurrence de ce financement.

Le gouvernement du Québec entend appuyer la mise en œuvre de la présente politique. Un nouveau Cadre pour la prévention de sinistres – 2013-2020 a été entériné en juin 2013. Étant accompagné d’investissements pouvant atteindre 96,4  millions de dollars sur sept ans, il prévoit la réalisation de mesures qui contribueront directement à l’atteinte des objectifs de la politique et qui, pour plusieurs, seront effectuées en collaboration avec le milieu municipal. D’autres mesures prévues au Plan d’action 2013-2020 sur les changements climatiques, à l’égard duquel le gouvernement entend consentir d’importants investissements, apporteront une contribution appréciable aux objectifs établis dans la présente politique.

Les orientations de la politique

La politique québécoise de sécurité civile s’articule autour de cinq orientations couvrant les principales catégories de mesures à mettre en œuvre pour accroître notre résilience à l’égard des catastrophes. Elles s’accompagnent de 25 objectifs qui sont à la fois complémentaires et intimement liés entre eux. Les dispositions prises dans un milieu afin d’atteindre un objectif peuvent donc incidemment contribuer à l’atteinte des autres.

Les orientations établies s’inspirent directement des cinq actions prioritaires du Cadre d’action de Hyogo visant la résilience des nations et des collectivités aux catastrophes adopté par l’Organisation des Nations Unies en 2005. Elles prennent également appui, tout comme les objectifs qui en découlent, sur les résultats des consultations menées par le MSP auprès de différents intervenants du milieu municipal, des ministères et organismes ainsi que de représentants de diverses organisations de la société civile.

Orientation 1 : Consolider le système québécois de sécurité civile

Le système québécois de sécurité civile repose sur des actions réalisées à plusieurs niveaux de façon complémentaire, et ce, tant pour gérer les risques que pour répondre à d’éventuelles catastrophes. Ce système s’est édifié et confirmé sur la base des progrès réalisés au fil des dernières décennies. Des structures et des mécanismes de coordination et de concertation ont notamment été élaborés à l’échelle locale, régionale et nationale.

Devant les défis auxquels nous sommes confrontés et sur la base des acquis des dernières années, un nouvel élan doit être donné à la sécurité civile en consolidant le système sur lequel s’appuient nos actions dans le domaine. Cette première orientation vise ainsi à faire progresser le cadre institutionnel et conceptuel québécois. Nous devons réunir les conditions qui favoriseront une plus grande responsabilisation, un meilleur engagement et une concertation accrue de chacun des acteurs en sécurité civile. Ces actions doivent aussi conduire à une optimisation des ressources et au développement d’une vision et d’une approche méthodologique communes.

Objectif 1.1 Responsabiliser tous les acteurs de la société à l’égard des risques et des catastrophes et susciter leur engagement

Chacun de nous doit se sentir davantage concerné par la question des risques et des catastrophes, agir dans cette perspective et assumer une plus grande responsabilité relativement aux actions réalisées et à leurs conséquences. Que ce soit sur le plan individuel ou collectif, un meilleur engagement de tous les acteurs de la société québécoise est nécessaire pour accroître l’importance accordée aux risques et aux sinistres et contribuer, en fonction des capacités de chacun, à en assurer une meilleure gestion.

Objectif 1.2 : Mobiliser les ressources requises pour la gestion des risques et des catastrophes et en optimiser l’utilisation

La responsabilisation et l’engagement des acteurs doivent se traduire par des gestes concrets pour gérer adéquatement les risques et les catastrophes. Les instances concernées doivent mobiliser leurs ressources humaines, matérielles, informationnelles et financières nécessaires pour assumer ces responsabilités. De même, des ententes et des partenariats doivent être établis et mis en œuvre pour en optimiser l’utilisation.

Objectif 1.3 Améliorer la coordination et la concertation des intervenants en sécurité civile

L’efficacité du système québécois de sécurité civile est largement fonction de la cohérence et de la complémentarité des mesures mises en place par ses multiples composantes. Elle repose sur la synergie des actions des municipalités et des différents intervenants du milieu ainsi que des ministères et organismes gouvernementaux. Ces conditions exigent une coordination et une concertation étroites à tous les niveaux.

En s’inspirant des exemples tels que la mise en place de l’OSCQ, des comités mixtes municipaux–industriels (CMMI) et des comités régionaux de sécurité incendie découlant de la réalisation des schémas de couverture de risques en sécurité incendie, il importe de consolider et de développer, à tous les niveaux, ces mécanismes et ces structures. Les actions réalisées relativement à cet objectif doivent permettre d’assurer un arrimage fonctionnel des mesures réalisées en sécurité civile, et ce, qu’elles portent sur la connaissance des risques, la prévention, la préparation, l’intervention ou le rétablissement.

Objectif 1.4 Intégrer les préoccupations relatives aux risques et aux catastrophes dans les politiques, les programmes ainsi que dans la gestion courante des organisations

Dans l’optique d’une approche globale et intégrée de la sécurité civile, les préoccupations relatives aux risques et aux sinistres doivent se développer et mieux s’inscrire dans la planification, les politiques, les programmes et la gestion courante de toutes les organisations. Chacune d’elles, à son niveau et en fonction de ses réalités, doit prendre davantage conscience des multiples facteurs qui influent sur l’importance des risques ainsi que des conséquences potentielles des sinistres sur son fonctionnement et ses activités. Toutes doivent s’interroger sur les moyens et les possibilités dont elles disposent pour les éviter ou en réduire l’importance.

Objectif 1.5 Favoriser le développement d’une vision de la sécurité civile et d’une approche méthodologique communes

L’évolution importante de la sécurité civile au cours des dernières décennies conduit aujourd’hui à l’utilisation, par les divers intervenants, d’une variété de terminologies et d’approches conceptuelles et méthodologiques. Cette situation, largement attribuable à la rapidité de cette évolution et au fait que le domaine chevauche plusieurs secteurs d’activité et disciplines, se reflète également dans la façon de concevoir la sécurité civile, laquelle diffère souvent selon les personnes, les milieux et les organisations. Cette réalité ajoute à la complexité et aux difficultés associées aux échanges, à la concertation et à la coordination des actions.

Pour favoriser une vision commune, le MSP a publié trois documents établissant les fondements conceptuels et méthodologiques de la sécurité civile au Québec (Concepts de base en sécurité civile, Approche et principes en sécurité civile et Gestion des risques en sécurité civile). Ces publications constituaient une première étape vers l’atteinte du présent objectif. Il importe maintenant de favoriser, auprès des divers acteurs, l’appropriation et l’utilisation des concepts et des méthodes établis. L’atteinte de cet objectif passe également par l’élaboration de plusieurs autres outils adaptés aux différents contextes et clientèles.

Orientation 2 : Améliorer la connaissance des risques

La connaissance des risques constitue un élément clé autour duquel s’articulent la plupart des actions en sécurité civile. Elle représente en quelque sorte la « matière première » sur laquelle vont s’appuyer la détermination et la réalisation des mesures destinées à réduire les risques et à assurer une réponse adéquate aux sinistres.

Dans cet esprit, plusieurs efforts ont été déployés par les instances gouvernementales et municipales au cours des dernières décennies afin de développer la connaissance des risques associés à certains aléas qui surviennent de façon plus fréquente à l’échelle du territoire québécois. On pense notamment aux inondations en eau libre, aux glissements de terrain, à l’érosion côtière et aux incendies. Par ailleurs, les risques liés à d’autres catégories d’aléas demeurent souvent moins connus ou doivent faire l’objet d’analyses plus approfondies considérant leurs conséquences potentielles.

Cette situation requiert ainsi des administrations publiques et privées appelées à gérer les risques d’intensifier leurs actions en vue d’assurer le développement des connaissances. Cela exige notamment l’amélioration de notre expertise et des méthodes d’appréciation des risques de même que la mise en place de moyens permettant d’observer les tendances et d’anticiper les menaces futures.

Objectif 2.1 Documenter les circonstances et les conséquences des catastrophes et constituer des historiques des événements passés

La première piste à explorer pour toute organisation désireuse de développer sa connaissance des risques est l’historique et le bilan des sinistres et des situations d’urgence survenus dans son milieu. Il s’agit là de données de base pour identifier certains des risques auxquels elle est soumise. Il convient, dans ce contexte, de se donner les moyens pour documenter de façon systématique et rigoureuse les sinistres qui surviennent sur le territoire québécois et d’accroître notre connaissance de ceux survenus dans le passé. Les données issues des catastrophes s’étant produites dans les localités voisines, dans les autres régions ou même à l’étranger peuvent aussi représenter une source d’information pertinente pour alimenter la connaissance des risques du milieu.

Le but visé par cet objectif est de recueillir de l’information utile à la connaissance ou, plus généralement, à la gestion des risques, et de disposer des données permettant de tirer des enseignements des catastrophes. Cet objectif est aussi appelé à contribuer au développement d’outils d’aide à la décision permettant aux gestionnaires d’organisations publiques ou privées de faire des choix de gestion éclairés et appuyés.

Objectif 2.2 : Développer la connaissance des aléas auxquels le Québec est exposé

Le Québec est exposé à une grande variété d’aléas d’origine naturelle et anthropique. Plusieurs sont susceptibles d’entraîner une catastrophe pouvant générer d’importantes conséquences sur les plans social, économique et environnemental. Si les phénomènes en cause sont bien connus pour certains aléas et pour certaines régions, les connaissances demeurent limitées pour d’autres. Cette situation peut rendre difficiles la détermination des priorités et la prise de décisions éclairées. Elle peut aussi avoir pour effet de réduire la pertinence et l’efficacité des mesures de prévention et de préparation mises en place. L’atteinte de cet objectif exige ainsi un engagement plus important de tous les acteurs, notamment de ceux dont les connaissances et les compétences peuvent apporter une contribution en la matière, qu’ils proviennent du milieu municipal, gouvernemental ou privé.

Le développement de la connaissance des aléas passe par la collecte, l’analyse et la consolidation de tous les renseignements et données accessibles. Il s’agit de déterminer avec le plus de précision possible leur importance, leurs caractéristiques et le territoire pouvant potentiellement être affecté.

Objectif 2.3 Déterminer, en tenant compte des aléas identifiés, les principaux éléments exposés et leur vulnérabilité

Si rien ne peut être fait pour limiter les probabilités d’occurrence ou l’intensité de phénomènes tels qu’un séisme ou une tornade, il est toujours possible de diminuer la vulnérabilité de la collectivité à un aléa, et ce, peu importe sa nature. Dans une perspective de réduction des risques, cela met en évidence l’importance d’identifier les éléments exposés aux aléas potentiels et de déterminer leur vulnérabilité.

Les enseignements tirés des démarches de gestion des risques et des nombreuses catastrophes survenues au cours des dernières décennies ont en effet démontré que le niveau de vulnérabilité d’un milieu est déterminant dans l’importance des risques et les conséquences des sinistres. Ce constat conduit maintenant à une meilleure prise en compte de la vulnérabilité des éléments exposés dans les actions réalisées en sécurité civile.

Les données permettant d’établir la vulnérabilité d’une collectivité sont associées aux caractéristiques du milieu et à la condition des éléments qui y sont présents. Cette démarche implique l’identification, dans les divers milieux, des facteurs physiques, sociaux, économiques ou environnementaux qui prédisposent les éléments exposés aux aléas potentiels à subir des préjudices ou des dommages.

Objectif 2.4 Établir les enjeux sociétaux associés aux risques émergents et à leur évolution

Les observations sur les catastrophes survenues dans le monde au cours des dernières décennies mettent en évidence l’émergence de nouveaux risques ou, du moins, de risques qui prennent de nouvelles dimensions avec les réalités de la société moderne. Souvent qualifiés d’« émergents » ou de « systémiques », ces risques prennent différentes formes comme ceux associés aux changements climatiques et à la défaillance de systèmes essentiels. Ils se distinguent généralement par une grande complexité et une forte incertitude. Ils sont également susceptibles d’affecter une large partie de la population et peuvent engendrer d’importants effets en cascade.

Pour limiter les conséquences pouvant découler de la matérialisation de ces risques émergents et de leur évolution, il est nécessaire d’évaluer les enjeux actuels et futurs qu’ils posent pour la société québécoise. L’atteinte de cet objectif nécessite que les organisations tentent d’anticiper les situations auxquelles elles feront face dans les prochaines années et décennies pour être en mesure, lorsque possible, de se donner les moyens d’agir dès maintenant.

Objectif 2.5 Développer l’expertise et les méthodes d’appréciation des risques

Le processus de gestion des risques adopté par le MSP propose une méthode générique d’appréciation des risques pouvant être utilisée par tous les intervenants et s’appliquer à tout type d’aléa. L’un des points d’intérêt de cette méthode est qu’elle permet de comparer différents risques les uns par rapport aux autres. En complémentarité à celle-ci, d’autres méthodes, outils et expertises spécifiques doivent être développés pour analyser les principales catégories d’aléas présents au Québec ainsi que les facteurs de vulnérabilité. La combinaison de la méthode générique d’appréciation des risques et de méthodes spécifiques contribuera à l’amélioration de la connaissance des risques.

L’expertise et les méthodes d’appréciation des risques doivent évoluer en fonction des nouvelles réalités de la société moderne et du caractère dynamique des aléas et de la vulnérabilité. De même, le développement de la connaissance des risques doit s’appuyer sur des démarches rigoureuses et des paramètres techniques précis. Il fournit l’occasion d’accroître et d’optimiser l’utilisation des moyens technologiques modernes.

Orientation 3 : Accroître le partage d’information et le développement des compétences

Si la connaissance des risques constitue la « matière première » en sécurité civile, le partage d’information et des connaissances représente la « pierre angulaire » sur laquelle reposent les actions dans le domaine. De fait, un lien peut être établi entre la faible connaissance de plusieurs Québécois des risques présents dans leur environnement et le peu de préoccupations qu’ils manifestent à l’égard des risques et des catastrophes.

La troisième orientation appelle, dans ce contexte, au partage d’information entre les acteurs et au développement des compétences. Cela doit se traduire concrètement par une meilleure communication et une plus grande sensibilisation des communautés à l’égard des risques et des catastrophes, par des échanges accrus entre les intervenants et par le développement de programmes de formation. La recherche et les innovations, la reconnaissance des bonnes pratiques ainsi que les enseignements tirés des catastrophes et autres actions réalisées en sécurité civile doivent aussi faire partie de nos préoccupations. En outre, cette orientation traduit la volonté de voir émerger au Québec une véritable culture de sécurité civile.

Objectif 3.1 Accroître la communication avec les communautés sur les risques, les mesures prises pour en assurer la gestion et les consignes à suivre lors des catastrophes

La responsabilisation et l’engagement des communautés à l’égard des risques requièrent la réalisation, de façon récurrente, d’activités de communication par les autorités publiques. Sans la diffusion d’information aux citoyens et autres acteurs sur les aléas et leurs conséquences potentielles, il s’avère difficile de les engager dans la réalisation d’actions concrètes permettant de réduire les risques et d’accroître leur sécurité. Il importe donc d’exposer la pertinence d’agir. Les actions établies doivent faire en sorte que les communautés prennent conscience de leur exposition à divers aléas et du fait qu’elles ne sont pas à l’abri des sinistres. L’atteinte de cet objectif repose, par conséquent, sur le développement et la diffusion des connaissances sur les risques, les mesures permettant de les réduire et les consignes à suivre lors des catastrophes.

Plus que la diffusion unidirectionnelle d’information, les activités de communication doivent s’inscrire dans l’optique d’une concertation avec les acteurs du milieu. Elles doivent, entre autres, viser à comprendre leurs préoccupations et leurs besoins ainsi qu’à y répondre. Les activités réalisées et les décisions prises doivent également tenir compte des perceptions des risques au sein de la communauté et, ultimement, permettre d’assurer une gestion la plus adéquate possible des risques en présence.

Objectif 3.2 : Consolider et mettre en réseau les systèmes d’information et de veille stratégique

La sécurité civile moderne met en relation de nombreux intervenants de domaines, de secteurs d’activité et de paliers différents qui concourent à une cible commune. Les moyens et les mécanismes de fonctionnement doivent s’adapter à cette réalité afin d’accroître les échanges et la diffusion d’information. Ce réseautage et ce partage de données doivent reposer sur des systèmes d’information sûrs, compatibles et performants. Ils doivent aussi s’appuyer sur des réseaux assurant un échange et une circulation libres et rapides de l’information stratégique entre tous les intéressés, dans le respect des lois en vigueur et en tenant compte des contraintes de certaines organisations.

En fonction de préoccupations et de besoins particuliers, la collaboration entre les différents acteurs et les échanges entre leurs réseaux doivent s’intensifier afin que l’expertise et l’information accessibles puissent profiter au plus grand nombre possible d’organisations.

Objectif 3.3 Développer le savoir et les compétences de tous les intervenants en sécurité civile

La gestion adéquate des risques et des sinistres dépend directement de l’expertise et des compétences de tous les intervenants en sécurité civile. C’est la raison pour laquelle chacun doit compter sur une formation et un encadrement appropriés permettant de disposer des connaissances et de développer les habiletés et les attitudes nécessaires à ses fonctions. Dans l’optique d’accroître le ratio d’intervenants municipaux, gouvernementaux, communautaires et privés qui disposent d’une formation adaptée aux responsabilités qui leur sont dévolues en sécurité civile, les efforts de conception, d’organisation et de promotion de programmes d’études et d’activités de formation doivent s’intensifier. Il importe de faciliter l’accessibilité à la formation pour le plus de gens possible et d’assurer la qualité des enseignements offerts.

Outre cette question de la formation, celle du transfert des connaissances et des compétences dans les milieux de travail doit faire l’objet de plus de considération. Il en va de la préservation des capacités des organisations à gérer les risques et à répondre aux sinistres.

Objectif 3.4 Intensifier la recherche et le développement liés à la gestion des risques et des catastrophes et promouvoir l’innovation

La nécessité d’être proactif et d’agir en amont des sinistres requiert l’amélioration des connaissances et des pratiques permettant d’assurer une gestion efficace des risques. Cela suppose des investissements en recherche et développement ainsi que la promotion des innovations associées au domaine de la sécurité civile.

Au cours des dernières décennies, la recherche et le développement ainsi que les innovations ont permis de développer des pratiques et de découvrir ou de concevoir des systèmes, des équipements, des matériaux, des techniques et d’autres solutions fort utiles en sécurité civile. Au Québec comme ailleurs dans le monde, plusieurs des résultats obtenus ont directement contribué à sauver des vies, à limiter les effets sur la santé et à réduire les dommages occasionnés par les aléas. Dans un contexte d’augmentation des risques et des sinistres et dans le but de répondre aux besoins d’amélioration des connaissances et des pratiques, ce type d’initiative doit être encouragé.

Objectif 3.5 Reconnaître et diffuser les bonnes pratiques, réaliser des retours d’expérience et en tirer les enseignements appropriés

Devant le développement rapide des pratiques et des outils permettant une gestion efficace des risques et des sinistres, il importe pour toutes les organisations de compter sur des mécanismes favorisant les apprentissages et l’amélioration continue. Chacune d’elles doit mettre en place des mesures qui, sur une base permanente, permettent de tirer des enseignements des expériences vécues, ici et ailleurs, de s’adapter aux nouvelles réalités et de revoir périodiquement ses pratiques. 

Dans la perspective d’améliorer le nombre, l’efficacité et l’efficience des mesures de gestion des risques et des sinistres, la reconnaissance et la diffusion des bonnes pratiques ainsi que les retours d’expérience doivent se développer à tous les niveaux. 

Orientation 4 : Recourir en priorité à la prévention

Devant l’augmentation constante des risques et des sinistres au cours des dernières décennies, la prévention constitue désormais une dimension incontournable en matière de sécurité civile. Sans la mise en place de mesures concrètes visant à prévenir les catastrophes, les collectivités et les organisations se trouvent condamnées à des interventions d’urgence toujours plus fréquentes, importantes et coûteuses. La prévention s’impose ainsi comme l’élément autour duquel doivent s’articuler les efforts dans le domaine. 

Si l’importance de la prévention revient fréquemment dans le discours officiel de nombreuses organisations et de plusieurs intervenants, elle ne s’incarne pas toujours dans l’adoption et l’application de mesures visant à prévenir les sinistres. Ainsi, dans une perspective de développement durable et dans le but de favoriser l’adaptation de la société québécoise aux changements climatiques, cette quatrième orientation réaffirme la nécessité d’un recours plus systématique aux mesures de prévention. Elle s’appuie particulièrement sur un aménagement et un développement du territoire qui, par la prise en compte des risques, assurent la sécurité publique ainsi que la durabilité et la pérennité des investissements passés, présents et futurs. Elle vise l’établissement de mécanismes et de programmes permanents qui contribueront à réduire l’importance des aléas et le niveau de vulnérabilité, de même qu’à protéger les systèmes essentiels et les actifs clés de la société québécoise. 

Objectif 4.1 Assurer un aménagement et un développement durables du territoire tenant compte des risques présents ou potentiels

La prise en compte des risques en aménagement du territoire, dans les décisions relatives au développement d’une collectivité et dans la construction des bâtiments et des infrastructures est l’une des mesures de prévention les plus efficaces. Elle concourt, mieux que tout autre moyen, à soustraire ou à éloigner les personnes et les biens des sources de danger. De même, elle contribue à prévenir la création de nouveaux risques et à éviter l’accroissement de ceux qui sont présents au sein des collectivités.

Cet objectif vise donc la prise en compte constante et systématique des risques dans les décisions d’ordre stratégique portant sur l’aménagement et le développement du territoire. Il est aussi appelé à contribuer à la réalisation d’autres objectifs importants que s’est donnés la société québécoise, tels que l’atteinte d’un développement durable, l’adaptation aux changements climatiques, l’amélioration de la santé publique et la préservation de la diversité biologique.

Objectif 4.2 : Établir des systèmes de surveillance, d’anticipation, de prévision et d’alerte précoce

Les systèmes de surveillance, d’anticipation, de prévision et d’alerte précoce jouent un rôle clé en sécurité civile puisqu’ils contribuent directement à sauver des vies, à réduire les blessures et à prévenir ou à limiter les dommages causés par la manifestation des aléas.

Au cours de la dernière décennie, les avancées technologiques et l’établissement de réseaux d’échanges d’information ont permis le développement de nombreux systèmes contribuant de façon notable à la gestion des risques et des catastrophes. Ces avancées offrent de nouvelles occasions à saisir. Des moyens d’alerter rapidement de nombreux intervenants doivent être élaborés. De même, des systèmes de surveillance, d’anticipation, de prévision et d’alerte précoce pour certaines catégories d’aléas doivent être mis en place afin de combler certaines lacunes et de mettre à profit les technologies récentes. L’utilisation accrue des réseaux sociaux comme moyen complémentaire d’alerte à la population doit notamment être envisagée. En s’inspirant des modèles et des systèmes établis avec succès dans certains milieux au Québec ou ailleurs dans le monde, le défi posé par cet objectif est donc d’accroître leur nombre et leur efficacité au bénéfice de la sécurité collective.

Objectif 4.3 Réduire les risques à la source et développer les programmes d’inspection et d’entretien

Cet objectif appelle à agir directement sur les conditions ou les facteurs pouvant être à l’origine de la manifestation d’un aléa ou en amplifier les conséquences. Il vise l’accentuation des efforts destinés à réduire ou à éliminer les risques à la source et l’accroissement des programmes d’inspection et d’entretien.

La réduction des risques à la source est, en toute circonstance, l’une des premières options à explorer. Pour chacun des risques déterminés dans une collectivité ou une organisation, la possibilité d’éliminer ou de diminuer les probabilités d’occurrence de l’aléa redouté et de limiter son intensité potentielle doit en effet être évaluée. Pour leur part, les programmes d’inspection et d’entretien ont pour but d’éviter toute négligence, omission, défaillance ou le développement de situations dangereuses pouvant être à l’origine d’un sinistre.

Objectif 4.4 Accroître la résilience des systèmes essentiels et protéger les actifs clés des collectivités

Les systèmes essentiels sont ceux sur lesquels s’appuient la production ou la fourniture des services ou des ressources nécessaires à la vie et au fonctionnement des collectivités. On songe notamment aux systèmes permettant d’assurer l’approvisionnement en eau potable et en énergie. Les actifs clés sont, quant à eux, des éléments qui, d’un point de vue social, économique ou environnemental, ont une valeur particulière, constituent un atout, un attrait ou un symbole reconnu ou encore ont une importance stratégique pour le milieu. Il peut s’agir, par exemple, d’industries manufacturières ou d’entreprises employant un nombre important de citoyens de la communauté.

Considérant leur rôle capital dans le fonctionnement ainsi que pour le bien-être et la prospérité de nos sociétés modernes, les systèmes essentiels et les actifs clés des collectivités constituent un enjeu majeur en sécurité civile. Ils méritent une attention particulière en vue de réduire leur vulnérabilité et de limiter les conséquences potentielles que pourrait avoir sur eux la manifestation d’aléas. Dans cet esprit, la concertation entre les gestionnaires de systèmes essentiels doit être développée de même que l’expertise et les moyens en permettant une gestion plus efficace. Cela doit conduire à la mise en place de mesures augmentant la robustesse et la résilience de ces systèmes. De même, les actifs clés requièrent l’application de mesures permettant d’en assurer la protection.

Objectif 4.5 Réduire la vulnérabilité aux aléas dont la fréquence et l’intensité sont susceptibles de s’accroître sous l’effet des changements climatiques

L’accroissement prévu de la fréquence et de l’intensité des phénomènes météorologiques extrêmes ainsi que le rehaussement du niveau moyen des mers représentent des enjeux majeurs associés aux changements climatiques. Ces scénarios, qui recueillent un large consensus au sein de la communauté scientifique internationale, apparaissent inévitables, et ce, peu importe l’ampleur des réductions de gaz à effet de serre dans les prochaines décennies. Certaines régions du Québec se trouveront davantage exposées à certains types d’aléas, particulièrement ceux de nature hydrométéorologique, aux conséquences de plus en plus graves.

Cette situation pose des défis considérables sur le plan de la sécurité civile. Sans la mise en place d’importantes mesures par les divers acteurs, l’augmentation anticipée de plusieurs aléas, combinée à la vulnérabilité croissante des collectivités à leurs effets, mènera à un accroissement plus marqué des risques et des sinistres. Ainsi, la lutte contre les changements climatiques requiert la réalisation de mesures devant permettre de s’adapter à l’évolution du climat. Cela passe inévitablement par la réduction de la vulnérabilité des collectivités aux effets des aléas dont l’importance est susceptible de s’accroître. L’atteinte de cet objectif nécessite dès à présent des décisions anticipant les bouleversements annoncés. Elle exige de développer nos organisations, nos bâtiments, nos infrastructures et notre capacité de gestion et de réponse en fonction de l’évolution attendue de ces phénomènes.

Orientation 5 : Renforcer la capacité de réponse aux catastrophes

Aussi efficaces qu’elles puissent être, les mesures de prévention ne peuvent permettre d’éliminer tous les risques. Le risque zéro n’existant pas, il faut nous préparer à affronter des situations qui, a priori, peuvent sembler improbables ou imprévisibles. Une somme importante de travail a été accomplie en ce sens au cours des dernières décennies, mais il reste encore beaucoup à faire. La préparation aux sinistres demeure déficiente pour de nombreuses municipalités et différents aspects de la préparation gouvernementale sont à bonifier. Au-delà des instances municipales et gouvernementales, tous les acteurs de la société sont interpellés par cette cinquième orientation.

L’augmentation des risques liés, entre autres, aux changements climatiques, à l’utilisation accrue de matières dangereuses et à l’augmentation de la vulnérabilité de notre société aux aléas, donne lieu à un contexte dans lequel les besoins en matière de préparation aux catastrophes sont sans cesse grandissants. Cette orientation a ainsi pour objet le renforcement de notre capacité de faire face aux sinistres lorsqu’ils surviennent. Elle compte sur le renforcement, la validation et le maintien, par les divers intervenants, d’une préparation permettant d’intervenir adéquatement lors de tout type de sinistre, d’assurer la continuité des activités et services essentiels en pareilles circonstances et de nous en relever le plus rapidement possible par la suite. Elle insiste sur la nécessité d’aborder la reconstruction à la suite de catastrophes dans l’optique de réduire les risques et d’assurer un développement durable.

Objectif 5.1 Disposer d’une préparation permettant d’intervenir adéquatement lors de toute catastrophe

Aucune collectivité ni aucun milieu n’étant à l’abri d’une catastrophe, tous les acteurs doivent disposer des moyens assurant des interventions adéquates et efficaces lors de la manifestation d’un aléa. Pour garantir la sécurité des personnes ainsi que la protection des biens et de l’environnement, il importe de réunir les conditions permettant de limiter au minimum les conséquences des sinistres. En tenant compte des ressources disponibles à tous les niveaux et des risques en présence, cet objectif vise le rehaussement de la préparation aux sinistres de toute la société québécoise. Cette préparation doit être dynamique, s’intégrer à la gestion courante des organisations et s’inscrire dans une démarche d’amélioration continue. Flexible et applicable à tout moment de l’année, elle doit permettre de réduire l’incertitude et l’improvisation lors de catastrophes, d’accélérer le déploiement des ressources et de favoriser la mise en place de mesures adaptées à la situation.

Une préparation visant une intervention adéquate à l’égard de différents types de sinistres requiert la planification de deux grandes catégories de mesures. Elle repose, d’une part, sur l’établissement de mesures permettant de répondre adéquatement aux conséquences et aux besoins communs générés par la plupart des catastrophes. D’autre part, une préparation optimale relève de la réalisation d’actions et de la planification de mesures d’intervention répondant à l’importance, aux caractéristiques et aux besoins particuliers associés aux risques majeurs présents dans le milieu.

Objectif 5.2 Assurer la continuité des activités des entreprises et des organisations

La continuité des activités des entreprises et des organisations au moment et à la suite de sinistres constitue une préoccupation grandissante en sécurité civile ainsi que dans le cadre de l’application d’une approche de gestion des risques. Dans une société misant sur des systèmes toujours plus complexes et interdépendants, nous sommes aujourd’hui plus conscients des conséquences graves pouvant être occasionnées par l’interruption de certains services et activités. En raison des effets que peuvent avoir les aléas sur les ressources humaines, matérielles, informationnelles ou financières nécessaires aux activités, les sinistres sont susceptibles de provoquer l’arrêt prolongé d’opérations ou de services essentiels à la collectivité, aux organisations ou à leurs clientèles.

Pour les entreprises et les organisations de toute nature, le concept de continuité des activités vise à limiter les perturbations pouvant être occasionnées par les catastrophes et les situations d’urgence. Dans cet esprit, cet objectif requiert la mise en place de mesures qui permettront d’éviter ou de limiter l’interruption des activités et des services essentiels ou d’en atténuer les conséquences.

Objectif 5.3 Prévoir des mesures favorisant un rétablissement rapide et efficace à la suite d’une catastrophe

En plus des éléments liés à l’intervention, la préparation aux sinistres doit permettre de réunir les conditions qui favoriseront un prompt retour à une vie et à un fonctionnement le plus normal possible à la suite de ces situations. Cette planification doit prendre en compte les multiples conséquences tangibles et intangibles pouvant découler des catastrophes, car divers besoins peuvent en résulter.Le développement des capacités des intervenants à restaurer ou à réhabiliter dans le meilleur état possible les conditions sociales, économiques, physiques et environnementales d’une collectivité à la suite de sinistres est de nature à limiter les conséquences de ces événements lorsqu’ils surviennent. Cet objectif vise donc la planification de mesures permettant de soutenir la population touchée, de rétablir rapidement les fonctions et les services essentiels de la collectivité, de rendre le milieu sécuritaire et salubre et d’assurer une reprise rapide des activités. 

Le développement des capacités des intervenants à restaurer ou à réhabiliter dans le meilleur état possible les conditions sociales, économiques, physiques et environnementales d’une collectivité à la suite de sinistres est de nature à limiter les conséquences de ces événements lorsqu’ils surviennent. Cet objectif vise donc la planification de mesures permettant de soutenir la population touchée, de rétablir rapidement les fonctions et les services essentiels de la collectivité, de rendre le milieu sécuritaire et salubre et d’assurer une reprise rapide des activités. 

Objectif 5.4 Planifier la reconstruction à la suite d’une catastrophe dans la perspective de réduire les risques et d’assurer un développement durable

Il importe pour les collectivités touchées par un sinistre d’en tirer des enseignements et de corriger, lorsque possible, les lacunes relevées. Au-delà des conséquences malheureuses qu’elles génèrent, les catastrophes peuvent constituer une occasion unique de repartir sur de nouvelles bases et d’apporter des changements bénéfiques pour la communauté. La planification réalisée en amont des sinistres et les décisions prises à la suite de ceux-ci doivent permettre d’éviter la répétition de la catastrophe ou d’atténuer les conséquences d’événements futurs. 

Bien que les mesures mises en place avant un sinistre relativement à la reconstruction ne peuvent couvrir que certains aspects particuliers, il importe malgré tout d’établir au préalable les fondements des actions en la matière afin de se donner les moyens d’agir le plus efficacement et rapidement possible s’il survenait une telle situation. La reconstruction doit ainsi s’inscrire dans une optique de réduction des risques et de développement durable. Sur un horizon couvrant le long terme, la reconstruction doit donc permettre d’assurer la sécurité et le bien-être de la population, la protection du milieu naturel et la pérennité des investissements passés, présents et futurs. Pouvant s’étendre sur plusieurs mois, voire des années, elle doit s’intégrer à la planification à long terme de la collectivité. 

Objectif 5.5 Valider la fonctionnalité des mesures de préparation et en assurer le suivi et la révision périodique

La préparation aux catastrophes est un processus continu et dynamique qui nécessite des efforts constants en vue de l’amélioration des capacités de réponse ou de leur maintien à un niveau adéquat. La planification des mesures sur une base ponctuelle ne saurait suffire à assurer une préparation et une réponse efficaces aux sinistres. Elle doit s’accompagner de mécanismes permettant de valider la fonctionnalité des actions établies et d’en assurer le suivi et la révision périodique. 

La réalisation d’exercices, la formation des intervenants, les mises à jour et la révision des données et des mesures établies, la vérification de la bonne condition des installations, des équipements et du matériel requis pour la réponse aux sinistres ainsi que l’appréciation périodique de l’état de la situation sont des actions incontournables à cet égard. Sans de tels mécanismes, les mesures prévues pourraient s’avérer inefficaces ou comporter des lacunes importantes. 

À consulter aussi

Politique québécoise de sécurité civile 2014-2024 (PDF 3.93 Mo)