QUÉBEC, le 1er mars 2022 /CNW Telbec/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) en lien avec les blessures subies par quatre hommes le 13 septembre 2020 à Montréal, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) Cet hyperlien s'ouvrira dans une nouvelle fenêtre. conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).

L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à un comité composé de deux procureurs aux poursuites criminelles et pénales (procureurs). Ces derniers ont procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si celle‑ci révèle la commission d'infractions criminelles. Un procureur qui a participé à l'analyse du dossier a rencontré trois personnes blessées et en a informé une quatrième par courrier recommandé.

Événement

Le 13 septembre 2020 vers 2 h du matin, un homme (#1) est expulsé du 2e étage d'un restaurant-bar situé dans le secteur du Vieux-Port de Montréal. Il est lourdement intoxiqué et cherche une confrontation avec un autre homme (#2). Ce dernier est aussi expulsé du bar quelques minutes plus tard. Les deux hommes se retrouvent à l'extérieur et continuent la chamaille au sud-ouest de la terrasse. À 2 h 06, l'homme #1 sort un revolver et le pointe vers l'autre. Il tire un coup de feu dans les airs, près de la tête de l'homme #2. Ce dernier s'éloigne avec quelques pas de course, puis revient vers le tireur. L'altercation se poursuit.

Au même moment, trois policiers en patrouille à vélo se rendent au restaurant-bar pour des raisons indépendantes de l'incident. Ils sont près de l'entrée du quai Jacques-Cartier lorsque le coup de feu est tiré. Ils entendent le son, mais sont incertains de ce dont il s'agit (coup de feu, pétard ou feu d'artifice).

Ils arrivent sur place à 2 h 08. Ils forment un large triangle avec le sergent au centre, l'agent #1 à sa droite et l'agent #2 à sa gauche. Ils s'adressent aux deux individus. L'homme #1 dit aux policiers que l'homme #2 et lui se connaissent depuis longtemps et ne se chicanent pas sérieusement. L'homme #1 tourne dos aux policiers et se dirige vers l'entrée de la terrasse.

Environ 35 secondes après le contact entre les policiers et l'homme #1, un autre homme (#3) s'approche de l'agent #2 et lui dit que l'homme #1 a un « gun », puis retourne à l'entrée de la terrasse. L'agent #1 passe derrière le sergent pour se rapprocher de l'agent #2 et s'informer. Ce dernier lui mentionne un code  signifiant que l'individu est armé.

Selon les images captées par les caméras de surveillance, l'intervention armée se déroule ensuite en 15 secondes environ, soit une dizaine de secondes pour dégainer et donner des ordres, et environ 5 secondes pour la fusillade.

L'agent #1 retourne à la droite du sergent en dégainant son arme. L'agent #2 dégaine à son tour, puis le sergent. L'agent #1 donne plusieurs ordres à l'homme #1. L'homme #1 est alors de dos aux policiers, étant en direction de la terrasse. Il semble d'abord obtempérer et se penche au sol. Alors qu'il s'exécute, il se retourne subitement et tire en direction de l'agent #1 (le policier à l'extrémité droite de la ligne policière). Il fait feu quatre fois vers les policiers.

À ce moment, un autre homme (#4) et son ami se trouvent à une certaine distance derrière les policiers. L'homme #4 est touché par balle au flanc droit. L'agent #1 est aussi blessé par balle à la jambe droite. Compte tenu des positions des parties, il ne fait aucun doute que ces blessures sont infligées par l'homme #1.

Les policiers ripostent immédiatement. L'agent #1 tire une salve d'environ 4 balles avant d'être touché, puis une autre salve de 5 balles. Il se barricade ensuite derrière l'arbre le plus près, à une dizaine de mètres de là. Le sergent tire 5 balles en se penchant derrière son vélo. Il se foule la cheville en ce faisant. Il se déplace ensuite vers un poteau métallique pour se barricader. L'agent #2 tire 14 fois en direction de l'homme #1. Il recule pour se mettre à l'abri dans l'étang.

L'homme #3, venu plus tôt informer les agents de la présence de l'arme, se trouve devant l'entrée de la terrasse lorsqu'il est atteint par balle. Un autre homme (#5) se trouve sur la terrasse du bar. Il est blessé aux deux jambes par une seule balle. Les balles récupérées au cours des opérations chirurgicales de ces hommes correspondent à celles utilisées par les policiers, mais il est impossible de les relier à l'arme d'un agent particulier.

L'homme #1 git au sol, mais bouge toujours et tient son arme. Des renforts policiers arrivent quelques minutes plus tard. L'homme jettera finalement son arme avant d'être arrêté par les renforts.

Toutes les personnes blessées (agent #1 et hommes #1, #3, #4 et #5) sont emmenées à l'hôpital et survivent à leurs blessures.

Analyse du DPCP

Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées à l'article 25 du Code criminel sont remplies en ce qui concerne les blessures infligées à l'homme #1. 

Cette disposition accorde une protection à l'agent de la paix qui emploie la force dans le cadre de l'application ou de l'exécution de la loi.

Le paragraphe 25(1) accorde une protection à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.

Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui.

Le paragraphe 25(3) précise qu'un policier peut, s'il agit sur la foi de motifs raisonnables, utiliser une force susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves s'il croit que cela est nécessaire afin de se protéger ou encore de protéger les personnes sous sa protection contre de telles conséquences.

Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable, nécessaire pour exercer leurs fonctions, et qui n'est pas excessive.

Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.

En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.

Dans ce dossier, l'intervention était légale et se fondait principalement sur le devoir imposé aux policiers d'assurer la sécurité et la vie des personnes. Considérant les coups de feu tirés par l'homme #1, ces derniers avaient des motifs raisonnables d'estimer que la force appliquée à son endroit était nécessaire pour leur protection et celle des citoyens contre des lésions corporelles graves ou la mort. 

Quant aux blessures subies par les hommes #3 et #5, compte tenu de l'ensemble du contexte, le DPCP est d'avis que l'usage des armes à feu par les policiers ne correspondait pas à une infraction criminelle, même si cet usage a vraisemblablement mené aux blessures subies par deux hommes. À la lumière des faits, il ne peut être raisonnablement soutenu que leur utilisation d'armes à feu ait été faite sans excuse légitime, ni que leurs comportements présentaient un écart marqué par rapport au comportement d'un policier raisonnable dans les mêmes circonstances.

Conséquemment, le DPCP est d'avis que l'emploi de la force par les agents de la paix était justifié en vertu de l'article 25 du Code criminel. L'analyse de la preuve ne révèle pas à son avis la commission d'un acte criminel par les policiers du SPVM impliqués dans cet événement.

Le Directeur des poursuites criminelles et pénales

Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.

Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3 Cet hyperlien s'ouvrira dans une nouvelle fenêtre.. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.

La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.

La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices Cet hyperlien s'ouvrira dans une nouvelle fenêtre..

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Dernière mise à jour : 1er mars 2022