QUÉBEC, le 11 janv. 2022 /CNW Telbec/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) en lien avec la perte de conscience subie par un homme le 2 février 2021, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers de la Sûreté du Québec (SQ).

L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à un procureur aux poursuites criminelles et pénales (procureur). Ce dernier a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si celle-ci révèle la commission d'infractions criminelles. Le procureur a informé un proche de la personne ayant perdu conscience de la décision.

Événement

Le 2 février 2021, vers 19 h 40, un appel est fait au 911 au sujet d'un homme qui aurait proféré des menaces de mort à l'égard d'une femme.  

À 19 h 48, les policiers interpellent un homme dans la rue qui correspond à la description du suspect recherché. Ils confirment son identité et le placent en état d'arrestation. L'homme est coopératif, ne présente aucun signe d'agressivité et semble dans un état normal.

Alors que les policiers et l'homme se dirigent vers le véhicule de patrouille, l'homme sort rapidement une petite fiole de son manteau et consomme son contenu. Un des policiers entrevoit ce geste et il lui demande ce qu'il a consommé. L'homme répond qu'il s'agit d'alcool.

À 19 h 54, les policiers procèdent à la fouille de l'homme. Ils découvrent entre autres une petite bouteille de plastique vide qui semble avoir contenu un liquide clair. Sur le coup, les policiers tiennent pour acquis qu'il s'agit de désinfectant à main.

À 20 h 02, l'homme est transporté au poste de police.

Vers 20 h 30, après que l'homme exerce son droit à l'avocat, les policiers le dirigent vers une cellule. Ils constatent que l'homme a une légère perte d'équilibre, que ses pupilles sont dilatées, que son regard a changé et qu'il semble plus anxieux. Ils lui demandent s'il se sent bien. L'homme confirme que oui. Les policiers décident de maintenir une surveillance visuelle de l'homme une fois qu'il est placé en cellule.

Peu après 20 h 32, alors que l'homme urine dans la toilette de la cellule, un policier croit apercevoir celui-ci tenter de se débarrasser de quelque chose. L'homme perd l'équilibre et tombe au sol. À ce moment, les policiers entrent dans la cellule et interrogent l'homme afin de déterminer ce qu'il avait sur lui et ce qu'il tentait de faire. L'homme ne répond pas à leurs questions.

Les policiers décident de procéder à une nouvelle fouille de l'homme, mais celui-ci n'écoute pas leurs commandes verbales. Les policiers saisissent donc ses bras pour l'appuyer contre le mur de la cellule et effectuer la fouille. Considérant que l'homme bouge beaucoup et semble se débattre, les policiers le menottent et effectuent la fouille en le plaçant d'abord à genou, puis couché au sol. La fouille s'avère être négative.

À 20 h 37, constatant que l'homme est secoué par des spasmes, a le regard vide et manque de tonus musculaire, les policiers le placent en position latérale de sécurité et appellent les services d'urgence. À ce moment, l'homme présente une respiration irrégulière et semble avoir des pertes de conscience momentanées. Les policiers sécurisent sa tête et tentent de le garder réveillé en exerçant des points de pression.

Vers 20 h 50, les ambulanciers arrivent sur les lieux et prennent en charge l'homme.

Vers 21 h, les ambulanciers quittent le poste de police et transportent l'homme dans un centre hospitalier. 

Analyse du DPCP

La preuve au dossier ne révèle aucune infraction criminelle commise par les policiers lors de l'intervention auprès de l'homme.

Dans un premier temps, la blessure grave subie par l'homme - soit un état de conscience altéré accompagné de spasmes - découle d'une cause extrinsèque à l'intervention policière. Elle a été causée par une consommation de GHB.

Dans un deuxième temps, les policiers n'ont pas fait preuve de négligence criminelle. Ils ont maintenu une surveillance constante de l'homme lors de l'arrestation. Ce dernier a profité d'un très court laps de temps où le regard des policiers n'était pas porté sur lui pour ingérer du GHB. Lorsqu'un des policiers a aperçu l'homme porter quelque chose à sa bouche, il l'a questionné à cet égard et l'homme a menti en répondant qu'il s'agissait d'alcool. Aucun indice ne laissait croire aux policiers que l'homme avait surconsommé de la drogue et que son état de santé allait se détériorer.

En outre, lorsque les policiers ont constaté un changement de comportement chez l'homme au poste de police, ils ont décidé de maintenir une surveillance visuelle à son égard. De même, lorsque les policiers ont constaté que l'état de l'homme s'était gravement détérioré, ils ont contacté les services d'urgence et l'ont placé dans une position sécuritaire au sol et tenté de le garder éveillé.

Dans un troisième temps, l'usage de la force employée par les policiers était raisonnable dans les circonstances. Le DPCP est d'avis que les conditions énumérées à l'article 25 du Code criminel sont remplies.

Cette disposition accorde une protection à l'agent de la paix qui emploie la force dans le cadre de l'application ou de l'exécution de la loi.

Le paragraphe 25(1) C.cr. accorde une protection à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.

Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui.

Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.

Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.

En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.

Dans ce dossier, l'intervention physique des policiers auprès de l'homme était légale et se fondait principalement sur le devoir imposé aux policiers d'assurer la sécurité des personnes.

Considérant que les gestes de l'homme dans la cellule laissaient croire qu'il cachait quelque chose sur lui,  qu'il ne répondait pas aux questions des policiers, ignorait leurs commandes verbales et bougeait beaucoup, les policiers avaient des motifs raisonnables d'estimer que la force appliquée à l'égard de l'homme était nécessaire pour effectuer la fouille et s'assurer qu'il ne possédait pas d'objets dangereux pour sa sécurité et celle des policiers.

Conséquemment, le DPCP est d'avis que l'emploi de la force par les agents de la paix était justifié en vertu de l'article 25 du Code criminel. L'analyse de la preuve ne révèle pas à son avis la commission d'une infraction criminelle par les policiers de la SQ impliqués dans cet événement.

Le Directeur des poursuites criminelles et pénales

Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.

Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.

La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.

La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.

Cision Consulter le contenu original : http://www.newswire.ca/fr/releases/archive/January2022/11/c8612.html

Dernière mise à jour : 11 janvier 2022