QUÉBEC, le 5 mai 2021 /CNW Telbec/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) en lien avec l'événement entourant le décès d'un homme survenu le 22 juin 2020 à Lavaltrie, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers de la Sûreté du Québec (SQ).

L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à une procureure aux poursuites criminelles et pénales (procureure). Cette dernière a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si celle-ci révèle la commission d'infractions criminelles. La procureure a rencontré et informé les proches de la personne décédée des motifs de la décision.

Événement

Le 22 juin 2020, vers 20 h 40, un homme appelle le 911 pour demander l'assistance des policiers puisqu'il est en conflit avec une femme. La situation ne semble alors pas urgente. Deux agents de la SQ se dirigent vers les lieux. Lorsqu'ils arrivent sur place, une femme les invite à entrer dans la maison. Elle s'y trouve avec l'homme et un enfant. Les policiers les séparent pour prendre leur version des faits. Un agent se dirige avec l'homme dans le garage, duquel la porte est ouverte sur l'extérieur. L'autre agente reste avec la femme qui lui rapporte des propos que l'homme aurait tenus et qui constituent des menaces.

Les deux agents concluent qu'ils ont les motifs pour procéder à l'arrestation de l'homme, même si la femme ne souhaite pas porter plainte. Puisque l'homme est torse nu, les agents l'accompagnent à l'intérieur pour s'habiller et prendre des effets personnels. L'homme est calme et collabore, il n'est donc pas menotté.

Après s'être habillé et juste avant d'arriver à la voiture de patrouille, l'homme indique avoir oublié une pièce d'identité. Il fait rapidement demi-tour vers la maison, dans laquelle il entre par la porte du garage, sans écouter l'ordre d'un des agents qui lui intime de s'arrêter. L'agent le suit dans la maison. L'homme fait mine d'aller vers la chambre, mais bifurque rapidement vers la cuisine et plus particulièrement vers un bloc de couteaux. L'agent alors présent lui dit de « lâcher ça ». À ce moment, l'homme est dos à l'agent et ils sont à environ trois pieds de distance. Lorsque l'homme se retourne, il s'est poignardé avec deux couteaux et il en brandit un autre. L'agent fait un pas de recul. Il ne peut reculer davantage sans perdre l'homme de vue, alors que la femme et l'enfant sont toujours dans la maison. L'homme fait un mouvement en sa direction avec le couteau. L'agent tire un premier coup de feu, mais n'atteint pas l'homme, qui ne lâche pas le couteau, malgré une demande répétée de l'agent. L'homme s'avance de nouveau vers l'agent, qui tire un deuxième coup de feu qui atteint cette fois l'homme à la cuisse. Il tombe au sol et se plante le troisième couteau dans la poitrine. L'agent doit lui retenir les mains puisqu'il tente de le retirer pour se poignarder de nouveau.

L'autre agente présente sur les lieux appelle des renforts et s'assure de contrôler la scène. Lorsque possible, elle rejoint son collègue et l'aide à maîtriser l'homme pour qu'il ne se blesse pas à nouveau. Ils tentent de porter assistance à l'homme.

Des ambulanciers arrivent sur les lieux et tentent aussi de stabiliser l'homme pour pouvoir le transporter à l'hôpital. Lorsqu'ils le mettent sur la planche dorsale, l'homme parvient à retirer l'un des couteaux de son abdomen et un des policiers arrivés sur la scène doit maîtriser sa main pour éviter qu'il se blesse à nouveau. L'homme sera par la suite menotté sur la civière. Il fait un arrêt cardiorespiratoire dans l'ambulance et son décès est constaté à l'hôpital.

Le rapport d'autopsie conclut que le décès est attribuable à un traumatisme vasculaire par arme piquante et tranchante. La blessure par balle à la cuisse n'est pas mortelle et n'a pas contribué au décès.

Analyse du DPCP

Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées à l'article 25 du Code criminel sont remplies. 

Cette disposition accorde une protection à l'agent de la paix qui emploie la force dans le cadre de l'application ou de l'exécution de la loi.

Le paragraphe 25(1) accorde une protection à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.

Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui.

Le paragraphe 25(3) précise qu'un policier peut, s'il agit sur la foi de motifs raisonnables, utiliser une force susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves s'il croit que cela est nécessaire afin de se protéger ou encore de protéger les personnes sous sa protection contre de telles conséquences.

Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.

Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.

En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.

Dans ce dossier, l'intervention initiale des policiers était légale, puisque l'homme avait demandé leur présence sur les lieux. Les policiers avaient des motifs suffisants pour procéder à son arrestation. Puisque l'homme était calme et collaborait, il était raisonnable qu'il ne soit pas menotté. Considérant les gestes faits par l'homme avec le couteau en direction d'un des policiers et son refus d'obéir à l'ordre de lâcher l'arme, le policier avait des motifs raisonnables d'estimer que la force appliquée à l'endroit de l'homme était nécessaire pour sa protection contre des lésions corporelles graves ou la mort. La force utilisée par le policier n'a pas causé le décès de l'homme, qui résulte plutôt des blessures qu'il s'est auto-infligées.

Conséquemment, le DPCP est d'avis que l'emploi de la force par les agents de la paix était justifié en vertu de l'article 25 du Code criminel. L'analyse de la preuve ne révèle pas à son avis la commission d'un acte criminel par les policiers de la SQ impliqués dans cet événement.

Le Directeur des poursuites criminelles et pénales

Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.

Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.

La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.

La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.

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Dernière mise à jour : 5 mai 2021