QUÉBEC, le 16 janv. 2020 /CNW Telbec/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) en lien avec les blessures subies par un homme le 25 février 2018 à Dollard-des-Ormeaux, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).

L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à un comité composé de deux procureurs aux poursuites criminelles et pénales (procureurs). Ces derniers ont procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si celle‑ci révèle la commission d'infractions criminelles. Un procureur qui a participé à l'analyse du dossier a informé la personne blessée de la décision.

Événement

Le 25 février 2018, un homme vole un véhicule dans le stationnement d'un hôpital. Vers 21 h 40, des policiers localisent le véhicule dans le stationnement d'un centre d'achats à l'intersection du boulevard des Sources et de l'autoroute 40 à Dollard-des-Ormeaux.

Vers 22 h, des agents entourent le véhicule de l'homme et s'en approchent. À ce moment, l'un d'eux remarque que l'homme est à l'intérieur du véhicule alors que le siège conducteur est abaissé. L'autre agent établit un contact visuel avec l'homme et lui crie « police ». L'homme redresse alors son banc et met en mouvement le véhicule. Il se met alors à circuler rapidement dans le stationnement du centre commercial en faisant des zigzags entre les véhicules de patrouille afin de trouver une issue pour fuir.

Plusieurs autopatrouilles tentent de le rattraper afin de l'immobiliser et de le coincer contre des bancs de neige. L'homme réussit à faire demi-tour plusieurs fois tout en cherchant une issue. Sa conduite est rapide et téméraire.

Un agent tire un coup avec son arme intermédiaire, lorsqu'il constate que l'homme se dirige directement dans sa direction et qu'il risque de le heurter. Le projectile atteint le parebrise sans fracasser la vitre. Ce même agent tire un deuxième coup et atteint le côté passager du véhicule qui fonce de nouveau dans sa direction. Un troisième coup atteint la fenêtre côté conducteur. Aucun de ces coups n'a d'effet sur la conduite de l'homme.

Par la suite, deux agents entrent en collision de plein fouet avec le véhicule du fuyard. Les agents sortent de leur autopatrouille avec leurs armes respectives et pointent l'homme. Simultanément, trois véhicules de patrouille encerclent le véhicule de l'homme afin d'empêcher sa fuite. Un policier lui ordonne d'arrêter et de se rendre. L'homme n'obtempère pas, provoquant plutôt des collisions entre son véhicule et des véhicules de patrouille.

Un autre agent sort de son véhicule avec son arme à impulsion électrique et tente de fracasser la fenêtre du véhicule. L'homme fonce alors dans sa direction. L'agent a tout juste le temps de relever ses jambes pour l'éviter.

Un autre agent pointe l'homme avec son arme à feu et lui ordonne à nouveau d'arrêter le véhicule et de mettre ses mains dans les airs. L'homme n'obtempère toujours pas. Croyant son collègue sous le véhicule, cet agent ordonne encore une fois à l'homme d'arrêter. Il doit tirer deux coups de feu sur la portière du véhicule.

L'homme continue alors d'avancer et se dirige directement sans ralentir vers d'autres policiers à pied. Ce même agent tire encore une fois en direction de l'homme. Le véhicule conduit par l'homme continue toujours de percuter des véhicules de patrouille sans se soucier des agents qui sont à proximité.

Un autre agent remarque que l'homme s'apprête à tourner en direction de plusieurs policiers qui sont à l'extérieur de leurs véhicules et à foncer directement vers eux. Il pointe alors son arme en direction de l'homme et tire un coup de feu dans la portière arrière côté conducteur.

Malgré qu'il soit atteint au bras et à la cuisse, l'homme poursuit sa route et réussit à s'enfuir en empruntant l'autoroute 40 en direction ouest. Après 33 kilomètres de poursuite, des véhicules de patrouille percutent le véhicule de l'homme et mettent fin à sa fuite.

Lors de son arrestation, l'homme résiste et un agent utilise une arme à impulsion électrique afin de maîtriser l'homme et le menotter. L'homme est finalement arrêté, menotté et amené dans un centre hospitalier pour soigner ses blessures.

Analyse du DPCP

Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées à l'article 25 du Code criminel sont remplies. 

Cette disposition accorde une protection à l'agent de la paix qui emploie la force dans le cadre de l'application ou de l'exécution de la loi.

Le paragraphe 25(1) accorde une protection à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.

Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui.

Le paragraphe 25(3) précise qu'un policier peut, s'il agit sur la foi de motifs raisonnables, utiliser une force susceptible de causer la mort ou des lésions corporelles graves s'il croit que cela est nécessaire afin de se protéger ou encore de protéger les personnes sous sa protection contre de telles conséquences.

Le paragraphe 25(4) précise qu'un agent de la paix est justifié d'avoir recours à la force afin d'empêcher un suspect de prendre la fuite dans le but d'éviter une arrestation légale si les conditions suivantes sont réunies :

  • L'agent de la paix procède légalement à l'arrestation avec ou sans mandat;
  • Il s'agit d'une infraction pour laquelle cette personne peut être arrêtée sans mandat;
  • Cette personne s'enfuit afin d'éviter l'arrestation;
  • L'agent de la paix estime, pour des motifs raisonnables, que la force était nécessaire pour sa protection ou celle de toute autre personne contre la mort ou des lésions corporelles graves, imminentes ou futures;
  • La fuite ne peut être empêchée par des moyens raisonnables d'une façon moins violente.

Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.

Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.

En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.

Dans ce dossier, considérant le danger imminent auquel ils faisaient face, son refus répété d'obtempérer aux ordres, son absence de réaction aux armes intermédiaires, sa grande agressivité et sa conduite dangereuse pour les policiers et leurs véhicules, les policiers avaient des motifs raisonnables d'estimer que la force appliquée à l'endroit de l'homme était nécessaire pour leur protection contre des lésions corporelles graves ou la mort, et ce, à tout moment où elle fut appliquée.

Conséquemment, le DPCP est d'avis que l'emploi de la force par les agents de la paix était justifié en vertu de l'article 25 du Code criminel. L'analyse de la preuve ne révèle pas à son avis la commission d'un acte criminel par les policiers du SPVM impliqués dans cet événement.

Le Directeur des poursuites criminelles et pénales

Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.

Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.

La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.

La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.

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Dernière mise à jour : 16 janvier 2020