QUÉBEC, le 21 avril 2023 /CNW/ - Le Bureau du coroner annonce le dépôt du rapport d'enquête Cet hyperlien s'ouvrira dans une nouvelle fenêtre. du coroner en chef adjoint, Me Luc Malouin, portant sur le décès de M. Koray Kevin Celik survenu à son domicile de Montréal le 6 mars 2017, lors d'une intervention policière. Cette enquête publique avait été ordonnée le 15 septembre 2020 par la coroner en chef du Québec, Me Pascale Descary. Me Malouin était assisté de Me Julie Roberge, alors procureure aux enquêtes publiques.

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Rappel des faits

Le 5 mars 2017, M. Celik est en visite chez ses parents à leur résidence de l'île Bizard dans l'agglomération de Montréal. Au début de la nuit, il est agité et a de la difficulté à trouver le sommeil, ce qui, selon ses parents, est un problème récurrent. Vers 2 h, le 6 mars, il demande à sa mère la clé de l'automobile, car il veut aller chercher des pilules pour dormir. Sa mère refuse de lui donner les clés, puisqu'elle considère que son fils a les capacités affaiblies. M. Celik réagit violemment. Les parents sont inquiets de la situation et tentent de calmer leur fils. La mère communique alors avec le 911 pour obtenir de l'aide.

À 2 h 25, après avoir cherché pendant 18 minutes la résidence, un agent et une agente arrivent sur les lieux. Le premier remarque qu'une automobile est en marche dans le garage de la résidence et s'y rend immédiatement. Constatant qu'il ne s'agit manifestement pas d'une jeune personne (selon les informations qu'elle avait reçues sur la carte d'appel), l'agente se dirige vers la porte d'entrée de la résidence où une femme lui fait signe de la main. L'agente entre dans la résidence et rencontre la mère de M. Celik. Elle lui demande où se trouve son fils. Mme Celik se dirige vers la chambre de son fils tout en l'appelant. Son fils s'y trouve.

M. Celik sort de sa chambre et demande à l'agente de fermer sa lampe de poche, car elle est dirigée dans sa direction. Elle refuse et une confrontation verbale débute entre les deux. M. Celik se rapproche de plus en plus de l'agente, qui le décrira comme menaçant à son égard. Cette dernière, craignant pour sa vie, utilise son bâton télescopique pour faire une frappe de diversion sur la cuisse de M. Celik, mais sans succès. M. Celik ne réagit pas.

Deux autres agents, qui sont arrivés sur les lieux peu après le premier duo de policiers, sont derrière l'agente au moment de la frappe avec le bâton télescopique. Un agent, craignant pour la sécurité de l'agente, agrippe M. Celik pour le pousser contre le mur, puis le projeter au sol. Les quatre policiers tentent alors de le maitriser et de le menotter. M. Celik est couché sur le ventre et se débat vigoureusement jusqu'à ce que l'opération du menottage soit complétée. Rapidement, une fois M. Celik menotté, les agents constatent qu'il ne respire plus. À 2 h 28, un appel est fait à Urgences-santé pour obtenir d'urgence une ambulance et les manœuvres de réanimation sont immédiatement commencées par les policiers.

Un superviseur policier arrive sur place trois minutes plus tard avec un défibrillateur cardiaque et les manœuvres sont continuées dans l'attente des ambulanciers. Les premiers répondants continueront les manœuvres de réanimation avec les policiers et les ambulanciers prendront en charge M. Celik vers 2 h 55. Sept doses d'épinéphrine seront données par les ambulanciers. Les signes vitaux de M. Celik reviennent de façon aléatoire pendant les manœuvres. Le personnel de l'Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal continuera les manœuvres de réanimation, mais sans succès.

Le médecin de ce centre hospitalier constatera le décès de M. Celik à 5 h 11. En plus de plusieurs lésions superficielles, le pathologiste ayant pratiqué l'autopsie a constaté que M. Celik avait une hypertrophie cardiaque. Des analyses toxicologiques ont été effectuées au même laboratoire à même les liquides biologiques prélevés par le pathologiste sur le corps de M. Celik. L'alcoolémie était à 47 mg/100 mL. La présence de deux médicaments à taux thérapeutique et un à taux thérapeutique élevé a été retrouvée dans le sang. La présence de cocaïne, de MDA et de métabolite de cannabis a été relevée dans l'urine.

À la lumière des résultats de toxicologie, le pathologiste a conclu à un décès attribuable à une intoxication/réaction adverse à un mélange d'alcool, de médicaments et de drogues d'abus dans le cadre d'un syndrome du délirium agité. Il ajoute que l'hypertrophie cardiaque de M. Celik a pu contribuer au décès.

Analyse 

L'appel au 911

Mme Celik a communiqué avec le 911 pour obtenir de l'aide avec son fils. À Montréal, un préposé au téléphone reçoit l'appel et le dirige au bon service. Dans le présent dossier, il l'a donc dirigé aux policiers et a complété une carte d'appel que les policiers peuvent consulter dans la voiture de patrouille. Le préposé du 911 doit, en moyenne, comprendre l'ensemble de la situation et la résumer à l'intention des policiers en 60 secondes. Il doit également classifier l'appel. C'est à partir d'elles que les policiers peuvent se faire une première idée de l'intervention qu'ils seront appelés à faire. Elles doivent donc être le plus précises possible et donner aux policiers le maximum d'information, en peu de mots, de la situation qui prévaut au moment où l'appel est fait au 911.

Selon certains témoignages, des informations supplémentaires auraient pu être utiles aux policiers en amont à l'intervention auprès de M. Celik. M. Bruno Poulin, expert en emploi de la force à l'École nationale de police du Québec (ENPQ), souligne également qu'à l'école, les aspirants-policiers sont formés en tenant compte de certains mots-clés qu'ils vont lire sur les cartes d'appel et qu'il serait important que la centrale 911 et l'école discutent ensemble de ces mots-clés pour que la formation des futurs policiers soit conforme à la réalité qu'ils vont devoir affronter sur le terrain.

Pour le coroner Malouin, il est évident que plus les policiers auront des renseignements pertinents et précis sur la carte d'appel qu'ils reçoivent dans l'auto-patrouille, mieux ils seront informés de la situation qu'ils auront à affronter. Il souligne qu'il est important que les acteurs sur le terrain soient en phase avec l'enseignement que l'on donne aux futurs policiers, et, au besoin, que les pratiques de chacun soient améliorées. Il en formule une recommandation.

L'intervention policière

Pour analyser l'intervention des policiers au présent dossier, Me Malouin a demandé l'opinion de M. Bruno Poulin, expert en emploi de la force à l'ENPQ. Ce dernier a produit un rapport d'expertise. Deux éléments particuliers de cette intervention policière retiennent l'attention du coroner, soit le début de l'intervention et la force utilisée pour maitriser M. Celik alors qu'il était au sol.

Tout d'abord, à moins d'une urgence exceptionnelle, toute intervention policière doit être planifiée par les policiers avant qu'ils ne passent à l'action. Une bonne intervention policière implique obligatoirement d'obtenir le plus de renseignements possible concernant le sujet et la situation en cours pour laquelle les policiers doivent intervenir. Cette collecte de renseignements permet de bien cerner et de comprendre la situation où ils doivent intervenir et de poser les meilleurs gestes possible dans les circonstances de l'intervention. Or, ici, hormis pour les renseignements sommaires de la carte d'appel, il n'y a eu aucune collecte d'information et aucune planification entre les deux agents arrivés premiers sur les lieux. D'ailleurs, les quatre policiers ont tous témoigné qu'il s'agissait d'un appel de routine pour eux et qu'ils répondent à ce type d'appel à plusieurs reprises lors de leur quart de travail. Selon le coroner, un certain automatisme peut s'installer lors d'appels de routine. Les principes de base peuvent alors être oubliés. Dans le présent dossier, une policière a manqué à au moins deux occasions d'obtenir des renseignements qui auraient pu changer la suite des évènements.

Concernant la force utilisée pour maitriser M. Celik alors qu'il était au sol, le coroner écrit : « Les policiers ont le droit d'utiliser la force nécessaire pour contrer une situation qui met en danger leur vie. Ils ont le droit d'utiliser une force nécessaire lorsqu'il y a un risque imminent d'attaque mettant en cause leur sécurité et leur intégrité physique. Et, c'est la raison donnée par tous les policiers au cours de leur témoignage pour justifier l'utilisation de la force contre M. Celik. Ils ont craint pour leur santé et la sécurité de leur vie. Ce principe est parfaitement logique et nécessaire pour leur permettre d'intervenir et d'agir devant une menace. Mais, avec respect pour l'opinion contraire, je considère que ce principe et cette justification de la force ne peuvent trouver application dans une situation où les policiers se sont eux-mêmes mis en danger et ont provoqué l'utilisation de la force. »

Les premiers soins

La séquence des évènements mentionnée au début de l'analyse indique que les policiers ont rapidement débuté les manœuvres de réanimation. L'appel à Urgences-santé pour obtenir une ambulance en priorité s'est effectué également rapidement. Il s'est écoulé trois minutes avant qu'un défibrillateur cardiaque soit sur place et l'appareil n'a jamais recommandé de choc. Les premiers répondants étaient sur place 17 minutes après l'appel du préposé au 911.

Après avoir longuement réfléchi à la question des délais de l'arrivée des secours, Me Malouin reconnait que le temps n'est pas optimal. Il peut s'expliquer par la localisation où les secours devaient se rendre. La preuve recueillie a d'ailleurs démontré que les policiers sont arrivés sur place en près de 18 minutes. Ce temps est à peu près comparable au temps pris par les premiers répondants. Lors d'un arrêt cardiaque, l'important est de commencer rapidement les massages cardiaques et d'obtenir le plus rapidement possible un défibrillateur cardiaque. Or, ici, les manœuvres ont été débutées rapidement et un défibrillateur était sur les lieux 3 minutes après le début des manœuvres.

Conclusion

Le coroner conclut que la présente intervention n'a pas été faite en application des principes élémentaires d'une bonne intervention policière. Cette situation soulève une fois de plus la question de la formation continue des policiers. Dans le présent dossier, aucun policier n'avait reçu de formation en désescalade et en intervention auprès des personnes en crise malgré le fait qu'ils avaient plusieurs années d'expérience au SPVM. Me Malouin est d'avis que depuis 2019, la Ville de Montréal a une excellente formation en désescalade. Il reste à la Ville à poursuivre la diffusion de cette formation auprès de tous les agents de police à son service et, comme il l'a mentionné dans son rapport d'enquête concernant le décès de M. Pierre Coriolan, à s'assurer de requalifier périodiquement ses policiers. D'ailleurs, pour toute la question entourant la formation continue des policiers, il réfère les lecteurs à ce rapport d'enquête Cet hyperlien s'ouvrira dans une nouvelle fenêtre., rendu public au début février 2022, et contenant plusieurs recommandations à ce sujet.

Recommandation

À la lumière des enjeux soulevés par l'analyse des causes et des circonstances du décès de M. Celik et afin de faire évoluer positivement le travail policier et possiblement d'éviter qu'un décès comme celui-ci ne se reproduise, Me Malouin formule la recommandation suivante :

Au service 911 de la Ville de Montréal et à l'École nationale de police du Québec :

-  De se rencontrer et d'analyser la possibilité de mettre en place un protocole de communication des informations à transmettre aux policiers lors de l'assignation par le 911 d'une demande d'intervention aux policiers notamment en ce qui concerne l'état mental de la personne et son agressivité.

Le rapport d'enquête est accessible ici Cet hyperlien s'ouvrira dans une nouvelle fenêtre.. Prenez note que Me Malouin n'accordera aucune entrevue.

Source :
Jake Lamotta Granato
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Dernière mise à jour : 21 avril 2023