QUÉBEC, le 13 janv. 2020 /CNW Telbec/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) en lien avec les blessures subies par un homme  le 7 août 2018, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).

L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à un comité composé de deux procureurs aux poursuites criminelles et pénales. Ces derniers ont procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si celle‑ci révèle la commission d'infractions criminelles. Un procureur qui a participé à l'analyse du dossier a informé la personne blessée des motifs de la décision.

Événement

Le 7 août 2018, vers 13 h 45, deux policiers répondent à un appel rapportant un conflit qui implique un homme armé sur le boulevard Saint-Michel à Montréal. Sur les lieux, une femme informe les policiers que l'homme est venu voir son fils et qu'il avait un revolver. Elle était sur le balcon et l'homme se trouvant dans la rue a sorti le revolver de l'avant de son pantalon à la hauteur de la ceinture, il a pointé l'arme vers la dame tout en menaçant de tuer son fils. Elle explique que l'homme a quitté et son fils s'est rendu chez un ami demeurant dans un autre immeuble du boulevard Saint-Michel.

Une voisine crie aux policiers que l'homme est maintenant dans la ruelle derrière chez-elle. Les policiers font demi-tour sur le boulevard Saint-Michel et se dirigent au coin de la rue Deville et du boulevard Saint-Michel pour ensuite se diriger à pied dans la ruelle alors bloquée par des travaux. Des personnes se trouvant sur un balcon crient aux policiers de ne pas avancer, que l'homme a un « gun ». Les deux policiers dégainent leur arme à feu et pointent en direction de l'homme qui s'éloigne en marchant rapidement dans la ruelle. L'un des policiers somme l'homme à plusieurs reprises de lever les mains dans les airs et de s'arrêter. L'homme ignore les ordres, continue à marcher en faisant dos aux policiers et regarde rapidement derrière lui.

Puis, l'homme lève les bras dans les airs, les mains à la hauteur des épaules. À ce moment, les policiers ne voient pas d'arme dans les mains de l'homme. L'un des policiers ordonne de nouveau à l'homme de s'arrêter, de ne plus bouger. Celui-ci n'obtempère pas et continue à avancer dans la ruelle.

Croyant l'homme toujours armé, un des policiers craint qu'il ne se dirige vers une cour ou une allée menant sur le boulevard Saint-Michel. Il tire alors en direction de l'homme. Celui-ci continuant de marcher, le même policier tire à nouveau et atteint l'homme à l'épaule gauche. Celui-ci s'écroule au sol. Les policiers lui donnent les premiers soins dans l'attente d'une ambulance. Des témoins étaient présents sur un balcon dans la ruelle et ont vu l'intervention.

Dans une déclaration faite au BEI, l'homme a admis ne pas s'être arrêté malgré les ordres du policier. La preuve révèle que ce n'est qu'après les coups de feu que les policiers apprennent par les voisins que l'homme avait jeté son arme sous un véhicule stationné près d'un cabanon. L'homme confirme par ailleurs au BEI qu'il a jeté son arme sous une voiture à l'insu des témoins et des policiers. Un pistolet à air comprimé a effectivement été trouvé au sol, à l'arrière d'un véhicule stationné dans la cour donnant sur la ruelle.

Analyse du DPCP

Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions énumérées à l'article 25 du Code criminel sont remplies. 

Cette disposition accorde une protection à l'agent de la paix qui emploie la force dans le cadre de l'application ou de l'exécution de la loi.

Le paragraphe 25(1) accorde une protection à l'agent de la paix employant la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les circonstances.

Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour elle-même ou pour autrui.

Le paragraphe 25(4) précise qu'un agent de la paix est justifié d'avoir recours à la force afin d'empêcher une personne de prendre la fuite dans le but d'éviter une arrestation légale si les conditions suivantes sont réunies :

  • L'agent de la paix procède légalement à l'arrestation avec ou sans mandat;
  • Il s'agit d'une infraction pour laquelle cette personne peut être arrêtée sans mandat;
  • Cette personne s'enfuit afin d'éviter l'arrestation;
  • L'agent de la paix estime, pour des motifs raisonnables, que la force était nécessaire pour sa protection ou celle de toute autre personne contre la mort ou des lésions corporelles graves, imminentes ou futures;
  • La fuite ne peut être empêchée par des moyens raisonnables d'une façon moins violente.

Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas excessive.

Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.

En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce contexte, on ne peut exiger qu'ils mesurent le degré de force appliquée avec précision.

Dans ce dossier, l'intervention auprès de l'homme était légale. Les policiers devaient procéder à l'arrestation d'un homme venant de proférer des menaces de mort en exhibant un pistolet et ils étaient sur le point d'y procéder.

Au moment où les policiers arrivent dans la ruelle, des ordres sont donnés à l'homme de lever les mains en l'air et de s'arrêter. Ceux-ci ont toutes les raisons de croire que l'homme est en possession d'une arme à feu. La preuve permet de conclure qu'avant de faire feu, le policier n'a pas eu connaissance que l'homme s'était débarrassé de son arme.

La preuve établit par ailleurs clairement que les policiers, compte tenu des informations reçues, avaient des motifs raisonnables de croire que l'homme était armé d'un pistolet et qu'il était raisonnable de craindre que ce dernier s'en prenne de façon imminente aux personnes se trouvant à proximité, sur un balcon ou ailleurs et pouvant être visées par les menaces de mort qu'il venait de prononcer. Vu les propos qu'il avait tenus, étant armé d'un pistolet, l'homme aurait pu également s'en prendre à toute personne se trouvant sur son chemin. Le policier qui a fait feu a d'ailleurs indiqué avoir craint que l'homme ne s'en prenne à une personne se trouvant à proximité, notamment dans une cour adjacente au cabanon ou encore sur le boulevard Saint-Michel, qui est peut-être accessible par un passage.

Bien que l'homme ait levé les mains à la hauteur des épaules en réponse aux ordres donnés par les policiers, cette reddition partielle était insuffisante dans les circonstances. Elle n'était pas de nature à mettre fin à la dangerosité qu'il représentait.

Dans la présente affaire, les conditions énumérées au paragraphe 25(4) du Code criminel trouvent donc application.

Conséquemment, le DPCP est d'avis que l'emploi de la force par l'agent de la paix était justifié en vertu de l'article 25 du Code criminel. L'analyse de la preuve ne révèle pas à son avis la commission d'un acte criminel par les policiers du SPVM impliqués dans cet événement.

Le Directeur des poursuites criminelles et pénales

Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.

Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.

La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.

La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.

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Dernière mise à jour : 13 janvier 2020