Des étudiantes de l'Université Laval revisitent la collection Duplessis

QUÉBEC, le 9 sept. 2020 /CNW Telbec/ - Musée au service de sa communauté, musée citoyen, le Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ) est fier de présenter Pouvoir(s), le premier projet d'exposition de l'Alcôve-école réalisé par deux étudiantes du Département des sciences historiques de l'Université Laval ayant participé au nouveau cours offert au MNBAQ depuis 2018 : Anatomie d'un musée. La réouverture du pavillon Gérard-Morisset était le moment tout désigné pour faire découvrir cette tribune de création unique pour les muséologues de demain, un espace situé dans la salle Ressentir de l'exposition 350 ans de pratiques artistiques au Québec, présentée dans le pavillon originel du MNBAQ.

Vue d’ensemble de Pouvoir(s), premier projet de l’Alcôve-école de la salle Ressentir de l’exposition 350 ans de pratiques artistiques au Québec. Photo : © MNBAQ, Idra Labrie (Groupe CNW/Musée national des beaux-arts du Québec)

D'ailleurs, cette collaboration entre deux institutions à vocation pédagogique à Québec n'aurait pas pu voir le jour sans l'engagement de Jean-François Gauvin, professeur agrégé à l'Université Laval, qui dirige notamment le programme DESS en muséologie en plus d'être titulaire de la Chaire de leadership en enseignement en muséologie et mise en public.

Quand la réalité dépasse la fiction

À l'affiche jusqu'au 21 novembre 2021, Pouvoir(s) est le fruit du travail de recherche de Valérie Boulva et Christyna Fortin, supervisées - de la conception à la réalisation de l'exposition -, par la conservatrice de l'art moderne (1900-1949) au MNBAQ, Anne-Marie Bouchard. Les étudiantes ont donc jeté un regard neuf sur la collection d'œuvres d'art ayant appartenu au premier ministre Maurice Duplessis (1890-1959) et léguée, en 1959, au Musée de la province de Québec (aujourd'hui le Musée national des beaux-arts du Québec). Elles ont choisi de raconter leur vision de l'histoire étonnante de cette collection, à partir d'une fine sélection d'œuvres d'artistes européens du 19e siècle - Camille Corot, Eugène Boudin, William Turner - de paysagistes québécois, tels que Cornelius Krieghoff et Clarence Gagnon, mais aussi d'œuvres d'artistes du Québec plus audacieuses, issues de la même époque. Certains tableaux de la collection Duplessis feront d'ailleurs l'objet d'un vol mémorable au Musée de la province de Québec dans les années 1960. Une véritable saga, où s'entremêlent art et politique, attend donc les amateurs de récits rocambolesques.

Il était une fois… Duplessis, le collectionneur

En public, le premier ministre Maurice Duplessis (1890-1959), chef de l'Union nationale, manifestait peu d'intérêt pour l'art et la culture. Pourtant, il bâtissait discrètement une collection d'une grande valeur. Pendant son deuxième gouvernement, de 1944 à 1959, de nombreuses œuvres lui sont offertes par ses conseillers, d'autres par des entrepreneurs. Duplessis ne les conserve toutefois pas toutes. Particulièrement sensible aux artistes européens du 19e siècle ainsi qu'aux paysagistes québécois, il verra les principaux galeristes montréalais, bien au fait de ses préférences, lui acheminer régulièrement des propositions.

En septembre 1959, Duplessis meurt subitement. Un mois plus tard, sa sœur lègue sa collection de peintures au Musée de la province (aujourd'hui le MNBAQ). Le directeur Gérard Morisset l'expose dès décembre. Une foule importante se déplace pour découvrir cette collection composée de 63 huiles sur toile, d'une aquarelle et d'une gouache. Dans la presse, le rayonnement de cette donation est considérable, ce qui ne manque pas d'attiser les convoitises.

En mai 1965, un cambriolage a lieu au Musée : 28 tableaux, dont 23 de la collection Duplessis, sont volés. Il faudra quatre années d'enquête - et un mandat de recherche d'Interpol - pour que les tableaux volés soient récupérés… à Limoilou. Lors du procès subséquent, on apprendra que les voleurs ambitionnaient de vendre les œuvres pour financer des groupes de pression opposés à la déconfessionnalisation des écoles du Québec.

L'exposition Pouvoir(s) met en évidence le contraste existant entre les goûts artistiques de Maurice Duplessis et la peinture de son temps. Avant même la publication des manifestes Prisme d'Yeux et Refus global en 1948, l'œuvre Atelier de Lucyl Martel fait scandale à l'École des beaux-arts de Montréal et contribue, en 1945, au départ du directeur Charles Maillard, dont l'académisme est contesté au sein de l'institution. À l'instar de Martel, Sam Borenstein, Jean Soucy et Madeleine Laliberté posent un regard moderne et décomplexé sur l'art, la société, la famille et la guerre, en rupture ouverte avec la nostalgie qui émane des œuvres de la collection Duplessis.

Chronologie du vol, à la manière d'un suspense

Pendant la nuit du 2 au 3 mai 1965, 23 œuvres de la collection Duplessis et cinq autres tableaux anciens disparaissent du Musée. Les bandits mettent également la main sur une précieuse collection de monnaies anciennes et étrangères, qui ne sera jamais retrouvée. Vers 9 h le soir, on sonne avec insistance à la porte du Musée. Le gardien Henri Duchesneau, qui finit par aller répondre, est menacé, puis cagoulé. Son collègue Jean-Paul Michaud subit le même sort. Les deux hommes passeront la nuit, ligotés dans la chaufferie.

En 1969, quatre hommes sont accusés du vol et du recel des tableaux. Léo Tremblay est le chef du Parti nationaliste chrétien (PNC), qu'il a fondé en 1967 en tant que prolongement du Front de défense des écoles confessionnelles et de la Phalange, une société secrète d'extrême droite. Maurice Labadie est le chef du corps de sécurité du parti. S'ajoute à eux Étienne Blanchet, ancien bras droit et chauffeur de Léo Tremblay, et Raymond « Pitt  » Sutton, un petit malfrat. Précisons que Michaud, l'un des gardiens séquestrés, est un X de la Phalange, c'est-à-dire un de ses hommes de main, et un locataire de Léo Tremblay.

En février 1969, Étienne Blanchet tente de vendre les œuvres volées, mais il est dénoncé puis arrêté. Trois mois plus tard, il est libéré, à condition de collaborer avec la police. En septembre, Labadie et Sutton sont pris en filature dans le quartier Limoilou à Québec. Pour semer leurs poursuivants, ils se débarrassent de huit tableaux en pleine rue et retournent au domicile de Labadie. Ils jettent les œuvres restantes dans une poubelle, dissimulées sous des détritus. Après avoir reconnu les tableaux et identifié le véhicule, les policiers se présentent à la résidence de Labadie, où les deux malfaiteurs sont arrêtés avant d'être conduits au quartier général de la Sûreté du Québec.

Le procès connaît de nombreux rebondissements. Il donne lieu à un imbroglio de déclarations contradictoires des témoins comme des accusés, ainsi qu'à une remise en cause du travail et de l'honnêteté de la police, notamment par l'avocat Guy Bertrand, qui défend l'accusé Léo Tremblay. Différents témoignages dépeignent Labadie comme une victime manipulée par Blanchet, mais ce dernier, qui affirme que sa voiture est protégée par des anges, ne semble pas parfaitement sain d'esprit.

Le 2 octobre 1970, Tremblay est trouvé coupable du recel des tableaux. Ce jugement est révoqué le 30 mai 1972. Le 28 juin 1971, Sutton est condamné pour recel à un an de prison et Labadie, à deux ans. Blanchet écope d'une peine de deux ans avec sursis grâce à sa collaboration avec la police. Le mystère du vol reste donc complet, puisqu'aucune culpabilité ne sera jamais démontrée.

Pour le juge Antoine Rivard, «  le témoignage de Blanchet comme celui de plusieurs témoins établissent que nous sommes en face de personnes quelque peu anormales et il faut ajouter que la toile de fond de tout ce drame établit de façon pénible la naïveté, la crédulité et même la bêtise de certaines personnes » (La Presse, 31 mai 1972).

L'avenir de la muséologie, un engagement fort du MNBAQ

En créant l'Alcôve-école, un lieu d'exploration dédié aux étudiants de l'Université Laval, le MNBAQ s'est engagé à former la relève à travers une expérience humaine riche, pertinente et concrète.

En plus de tenir des activités d'enseignement en ses murs et de faire bénéficier les étudiants d'un accompagnement pratique par l'offre de stage en milieu professionnel, le Musée s'est aussi permis de lancer annuellement un appel de projets auprès des étudiants menant à une exposition basée sur les collections et les archives du Musée. L'ensemble des actions de ce partenariat permettra d'accroître l'avancement des connaissances sur les collections nationales grâce aux recherches menées par les universitaires.

Les étudiants participants, provenant de différents horizons - arts visuels, histoire de l'art, patrimoine, architecture -, deviendront les futurs muséologues, qui serviront, tant le MNBAQ, que toutes autres institutions muséales à travers le Québec.

L'Alcôve-école s'inscrit donc dans cette volonté du Musée de s'ancrer dans sa communauté, de devenir un espace de circulation des idées et des recherches actuelles sur la culture. Une initiative qui permet également de maintenir une synergie unique entre deux institutions québécoises de premier plan à Québec, l'Université Laval et le MNBAQ, et de renforcer le lien naturel qui les unit.

Les crédits

L'exposition Pouvoir(s) est organisée par le Musée national des beaux-arts du Québec en collaboration avec l'Université Laval.

Direction du projet
Annie GAUTHIER
Directrice des collections et des expositions, MNBAQ

Pour le MNBAQ
Commissariat
Anne-Marie BOUCHARD
Conservatrice de l'art moderne (1900 à 1949), MNBAQ

Gestion des opérations 
Yasmée FAUCHER
Chef du service de la muséographie, MNBAQ

Scénographie
Marie-France GRONDIN
Designer, MNBAQ

Pour l'Université Laval
Valérie BOULVA
Christyna FORTIN
Étudiantes, Université Laval

Le Musée national des beaux-arts du Québec est une société d'État subventionnée par le gouvernement du Québec. 

Pouvoir(s)
Alcôve-école de la salle Ressentir de l'exposition 350 ans de pratiques artistiques au Québec
Pavillon Gérard-Morisset du MNBAQ
Jusqu'au 21 novembre 2021

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Dernière mise à jour : 9 mars 2021