QUÉBEC, le 5 juin 2023 /CNW/ - Après examen du rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du Corps de police régional Kativik (CPRK) (maintenant le Service de police du Nunavik).

L'analyse portait sur l'événement survenu à Puvirnituq le 27 juillet 2012 lors duquel un homme est décédé.

L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à une procureure aux poursuites criminelles et pénales (procureure). Cette dernière a procédé à un examen complet de la preuve afin d'évaluer si à la lumière de la preuve retenue, celle-ci révèle la commission d'infractions criminelles. La procureure a informé un proche de la personne décédée de la décision.

Contexte de la réouverture d'enquête

À la suite de nouveaux éléments portés à son attention par la Commission d'enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics (ci-après « commission Viens »), le ministre de la Sécurité publique de l'époque, M. Martin Coiteux, demande la réouverture de l'enquête indépendante1 instituée à la suite de la mort d'un homme lors de sa détention au poste de police de Puvirnituq le 27 juillet 2012. Ainsi, le 3 décembre 2018, conformément à l'article 289.3 de la Loi sur la police, il confiait au BEI le mandat de faire enquête relativement au décès de l'homme.

Événement, enquête indépendante antérieure de la Sûreté du Québec (SQ) et investigation du coroner

Le 27 juillet 2012, vers 18 h 55, un homme détenu à la suite de son arrestation survenue vers 18 h est découvert pendu et inconscient dans une cellule du poste de police de Puvirnituq. À l'époque, une enquête indépendante est faite par la SQ et le rapport est transmis au DPCP le 31 octobre 2013. Le 21 janvier 2014, tenant compte notamment des rapports policiers, de la déclaration de la personne assurant la garde de l'homme détenu dans la cellule, d'un dossier médical et d'un rapport d'autopsie concluant que l'homme était décédé à la suite d'une asphyxie par compressions des structures du cou par un lien large et souple, le DPCP était d'avis que les policiers impliqués dans cet événement n'avaient commis aucune infraction criminelle.

Dans son rapport d'investigation, le coroner concluait à une mort violente par autodestruction. Il y mentionne spécifiquement que l'autopsie médico-légale pratiquée en date du 30 juillet 2012 démontre l'évidence de plusieurs lésions faciales sous forme d'érosions et de lacérations suturées en la présence de cicatrices anciennes. Ces cicatrices sont reliées à des événements traumatiques dans lesquels l'homme est impliqué en date du 20 juillet 2012. Le coroner note l'absence de toute lésion traumatique récente.

Révélations lors de la commission Viens

Dans le cadre de la commission Viens, un proche de l'homme décédé a fait une déclaration à l'effet qu'il avait vu le corps de l'homme après son décès et qu'il avait des blessures au visage. Cette personne a affirmé avoir vu l'homme environ 2 heures avant son arrestation et que ce dernier n'avait aucune blessure au visage.

Ces propos sont à l'origine de la demande d'enquête adressée le 3 décembre 2018 par le ministre de la Sécurité publique au BEI sur les circonstances entourant la mort de l'homme.

L'enquête du BEI

Le rapport d'enquête du BEI fait état d'une enquête2 de la SQ relative à la mort d'un homme en détention survenue le 27 juillet 2012 dans une cellule du poste de police de Puvirnituq.

Les événements à l'origine de l'enquête de la SQ, débutent le 27 juillet 2012 vers 18 h à la suite d'une plainte de la part d'une femme, à l'effet qu'un homme et une autre femme sont en état d'ébriété à l'extérieur de chez elle. Deux policiers se rendent sur les lieux. Il est à leur connaissance que l'homme doit respecter des conditions de remise en liberté, notamment l'interdiction de consommer des boissons alcoolisées. Il est localisé dans la salle des fournaises de la résidence. Les policiers procèdent à son arrestation et menottent l'homme. La plaignante précise que l'arrestation s'est déroulée calmement. Durant le transport en autopatrouille vers le poste de police, l'homme est calme et ne parle pas.

Arrivés au poste de police, l'homme est conduit au bloc cellulaire. Avant d'entrer dans la cellule, on lui demande de retirer ses chaussures, ce qu'il fait. Une fois dans la cellule, vers 18 h 20, un des policiers lui demande également de retirer son manteau, son gilet ainsi qu'un pantalon et procède à une fouille s'avérant négative. En sortant du bloc cellulaire, le policier contacte une femme pour effectuer la surveillance de l'homme détenu. Celle-ci lui confirme qu'elle est en route. Il quitte le poste vers 18 h 20 pour revenir vers 18 h 30 pendant que son collègue demeure au poste. Il repart 10 minutes plus tard pour revenir par la suite.

La gardienne arrive vers 18 h 30 au poste de police. À son arrivée, elle voit l'homme dans la cellule debout face à la porte. Elle se rend à son bureau pour remplir des formulaires. Ensuite, elle fait un peu de ménage, change les draps dans les cellules et passe le balai. En passant devant la cellule où l'homme est détenu, elle constate que l'homme se trouvant à l'intérieur est assis par terre, dos au muret séparant la toilette de la cellule, avec un drap autour du cou, qui semble être attaché de l'autre côté du muret ayant environ trois pieds de haut. Elle avise immédiatement les policiers. Il est 18 h 55. 

Le drap est coupé et retiré du cou de l'homme. Une ambulance est demandée sur les lieux. Les policiers commencent des manœuvres de réanimation jusqu'à l'arrivée de l'infirmier et de son assistant. Ils arrivent à l'hôpital vers 19 h 10.

L'un des policiers précise dans sa déclaration, qu'en aucun temps l'homme n'a tenu des propos suicidaires. Il ajoute qu'au poste, ils disposent de couvertures antisuicide qui sont utilisées uniquement lorsqu'il y a des risques de suicide connus. Il ajoute que lors de son arrestation, l'homme présentait une coupure au-dessus de l'œil gauche datant d'environ une semaine.

Aucune caméra de surveillance n'était en place dans le bloc cellulaire.

Le pathologiste qui a effectué l'autopsie sur le corps de l'homme conclut que le décès est attribuable à une asphyxie par compression des structures du cou par un lien de pendaison large et souple. Il observe des lésions traumatiques au visage, à gauche, qui ne sont pas contemporaines à l'événement; les érosions sont croûtées et les lacérations ont été saturées, selon les informations contenues dans le dossier médical en date du 20 juillet 2012. Il y a absence d'évidence d'intervention d'un tiers dans la cause de décès.

Le dossier médical de l'homme indique effectivement qu'en date du 20 juillet 2012, soit 7 jours avant les événements, 4 lésions au visage sont observées : au front, à la paupière supérieure gauche, sous la paupière gauche et au côté gauche de la lèvre supérieure.

Les enquêteurs du BEI ont rencontré le proche ayant fait les nouvelles déclarations. Celui-ci a essentiellement relaté ce qu'il avait déjà mentionné à la commission Viens.

Par ailleurs, il importe de préciser que des accusations de voies de fait causant des lésions corporelles ont été portées contre un policier relativement aux dites blessures au visage. Celles-ci sont survenues dans le contexte d'une arrestation survenue le 20 juillet 2012. Le policier a été déclaré coupable de l'utilisation du poivre de cayenne et acquitté des voies de fait, la juge étant d'avis que le policier avait agi en légitime défense en réponse à l'agressivité de l'homme. La Cour supérieure a ultimement acquitté ce policier au motif que l'utilisation du poivre de cayenne était également justifiée dans les circonstances.

Analyse du DPCP

La procureure a examiné l'incidence des nouvelles déclarations sur les questions de la cause du décès et des voies de fait présumées, et ce, à la lumière de l'ensemble de la preuve au dossier de la SQ en 2013.

La preuve au dossier révèle que l'arrestation sans mandat et la détention étaient légales dans les circonstances. Son arrestation fait suite à un bris d'engagement, à savoir, avoir consommé de l'alcool alors que cela lui était interdit.

À la lumière de l'ensemble de la preuve, les policiers impliqués n'ont appliqué aucune force de quelque manière que ce soit à l'endroit de l'homme, depuis le moment de son arrestation jusqu'à la découverte de son corps inanimé.

Le rapport d'autopsie ainsi que le dossier médical démontrent la présence de blessures et de lacérations suturées au visage de l'homme avant son arrestation le 27 juillet 2012 et sa détention ultérieure.

Ainsi, il n'existe pas de preuve permettant de conclure à la présence de blessures au visage constatées après son décès et qui auraient été inexistantes environ 2 heures avant le décès, laissant croire à de la violence policière depuis son arrestation ou durant sa détention.

Au contraire, il existe une preuve fiable, indépendante et documentée que des blessures au visage avaient été causées le 20 juillet 2012 et que des suturations ont été faites le jour même. Elles étaient donc existantes au moment de son arrestation le 27 juillet 2012 avant sa mise en cellule où il a mis fin à ses jours par pendaison à l'aide d'un drap.

Ces blessures et suturations étaient d'ailleurs mentionnées au rapport d'enquête de la SQ. En outre, celles-ci étaient notées au dossier médical de l'homme en date du 20 juillet 2012 et sont observables sur les photographies du corps de l'homme à l'exception de celles à la lèvre.

Il n'y a rien dans la conduite des policiers impliqués qui soit de nature à engager leur responsabilité criminelle. Bien qu'en état d'intoxication, l'homme est calme au moment où il est placé en cellule, à 18 h 20. Il avait fait l'objet d'une fouille sécuritaire et a été retrouvé sans vie un peu plus de 30 minutes après la dernière fois où il a été vu dans un état qui ne pouvait laisser présager la suite des événements. Il n'y a aucune preuve au dossier que l'homme était suicidaire et que cet état exigeait des policiers une surveillance accrue ou la nécessité d'une couverture antisuicide.

La décision du DPCP rendue le 21 janvier 2014 demeure inchangée. Le DPCP est d'avis que la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction criminelle par les policiers du CPRK impliqués dans cet événement.

Le Directeur des poursuites criminelles et pénales

Le DPCP Cet hyperlien s'ouvrira dans une nouvelle fenêtre. fournit, au nom de l'État, un service de poursuites criminelles et pénales indépendant, contribuant à assurer la protection de la société, dans le respect de l'intérêt public et des intérêts légitimes des victimes.

Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la directive ACC-3 Cet hyperlien s'ouvrira dans une nouvelle fenêtre.. En droit criminel, le fardeau de la preuve que doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé devant le tribunal.

La décision de poursuivre ou non est une décision discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des recommandations concernant les méthodes d'intervention policière.

La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices Cet hyperlien s'ouvrira dans une nouvelle fenêtre..

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1 Au moment des événements, il s'agissait d'une enquête indépendante instituée à la suite d'une politique ministérielle du ministère de la Sécurité publique, maintenant désignée « enquête indépendante » à l'article 289.1 de la Loi sur la police.

2 Voir note 1

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Dernière mise à jour : 5 juin 2023