Récipiendaires de l'année 2021

Pour connaître les récipiendaires des prix des éditions antérieures, veuillez vous adresser au ministère de la Langue française à l’adresse : prixetdistinctions@mlf.gouv.qc.ca.

Hans-Jürgen Lüsebrink

Le professeur Hans-Jürgen Lüsebrink est né en Allemagne, en 1952, d’une famille ayant des origines huguenotes remontant à l’immigration de réfugiés français en Allemagne à la fin du XVIIe siècle.

Après des études de lettres françaises, d’histoire et de littérature comparée dans les universités de Mainz, en Allemagne, et de Tours, en France, il a obtenu un doctorat en philologie romane à l’Université de Bayreuth en Allemagne en 1981 et un second doctorat en histoire, en 1984, à l’École des hautes études en sciences sociales à Paris. 

Après avoir été assistant, puis maître-assistant auprès de la Chaire de littératures romanes et comparées à l’Université de Bayreuth, il a été nommé, en 1988, professeur de littératures et civilisations romanes à l’Université de Passau, en Bavière, après l’obtention de sa thèse d’habilitation soutenue en 1987. Entre 1993 et 2018, il a été titulaire de la Chaire d’études culturelles romanes et de communication interculturelle à l’Université de la Sarre, où il a été nommé ensuite professeur senior en 2018. 

En 2001, il fonde le Centre d’études interculturelles sur le Québec et la francophonie nord-américaine. Le Québec ainsi que l’histoire de sa littérature, de sa culture et de ses médias ont constitué depuis le début des années 1990 l’un des centres majeurs de ses activités d’enseignement et de recherche. 

Celles-ci ont été marquées par de nombreux séjours de recherche et d’enseignement au Canada et au Québec, ainsi que comme professeur invité dans les universités Laval, de Montréal, de Moncton et d’Ottawa; également par l’établissement de programmes d’échanges d’étudiants et d’enseignants entre les universités de Passau puis de la Sarre, d’une part, et, d’autre part, l’Université Laval, l’Université de Montréal, l’Université du Québec à Montréal et l’Université de Moncton; et enfin par sa participation à l’École doctorale internationale Diversité des universités de Montréal, de Trèves et de Sarrebruck, dont il a été l’un des cofondateurs en 2013, puis le codirecteur du côté allemand, une école doctorale subventionnée jusqu’en 2022 par le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) du Canada et son correspondant allemand, la Deutsche Forschungsgemeinschaft. 

Membre de l’Association internationale des études québécoises dès l’année de sa fondation en 1997, il a été membre du conseil d’administration de l’organisme pendant six ans, occupant notamment le poste de vice-président pour l’Europe. Ses activités de recherche et ses publications sur le Québec ont connu un encouragement majeur grâce aux bourses de recherche obtenues au Québec, au Canada et en Allemagne, et en particulier à l’obtention de la bourse Diefenbaker du CRSH en 2001 qui lui a permis de séjourner une année entière à Montréal.

C’est notamment pour sa contribution au développement des études québécoises, pour son apport aux collaborations scientifiques entre chercheurs d’Europe et d’Amérique, et pour son engagement dans la promotion de la culture québécoise en Allemagne et dans le monde  que le Conseil supérieur de la langue française lui décerne l’Ordre des francophones d’Amérique.

Bonjour,

Choisir un champ de recherche et établir des contacts universitaires peut relever parfois d’un calcul – sélectionner les champs et les partenaires les plus en vue et les plus en vogue –, parfois aussi d’une fascination ou d’une attirance, et, enfin, quelquefois de hasards ou de contingences. 

Dans mon cas, m’intéresser au Québec, à sa littérature, à son histoire et à sa culture, dans mes recherches et dans mon enseignement, et établir de nombreux contacts personnels et universitaires, depuis maintenant 31 ans, relève non pas d’un calcul quelconque, mais d’une indéniable attirance, voire d’une fascination, puis aussi de certains hasards. 

Depuis ma première venue au Québec, en juin 1990, pour participer à un colloque à l’Université Laval organisé par le regretté Robert Chamberland et consacré aux rapports entre l’écrit et l’oral dans la littérature et les médias, j’ai, en effet, été attiré par ce que l’on pourrait appeler l’exception culturelle et sociale québécoise. Je me souviens de ma première arrivée au Québec : l’impression étonnante d’une Amérique avec une forte touche française dans laquelle l’esthétique des magasins, l’architecture, le style vestimentaire des habitants, les enseignes et les produits étaient toutefois profondément marqués par une culture américaine ou anglo-américaine omniprésente. 

Mais, au Québec, cette américanité était indéniablement francisée, hybride et métissée. C’est cette Amérique à la française et en français qui, depuis cette première rencontre il y a plus de 30 ans, n’a cessé d’occuper mes pensées, mais aussi mes recherches et mes enseignements.

Étant moi-même descendant d’une famille française huguenote émigrée en Allemagne à la fin du XVIIe siècle et qui a toujours été fière de son esprit de résilience et d’indépendance intellectuelle et spirituelle, j’ai toujours été interpellé par la résistance du Québec face à l’hégémonie politique, économique, mais surtout culturelle et linguistique de l’Amérique du Nord anglophone. 

Il y a très peu d’exemples de peuples sur cette planète qui ont su maintenir avec autant de persévérance, d’intelligence et de courage leur langue et leur culture face à un voisin puissant et à travers de multiples situations difficiles et conflictuelles que le Québec. L’esprit de résilience du Québec et des Québécois qui continue de me fasciner réside aussi dans une longue lutte pour la laïcité, pour la liberté intellectuelle et la tolérance. Cette lutte ne date pas de la Révolution tranquille, même si celle-ci a fini par la faire triompher, mais elle représente un courant important, parfois sous-estimé, de l’histoire québécoise. 

J’ai eu l’occasion de mieux la découvrir à travers mes recherches sur l’histoire des almanachs québécois, puis sur Edmond de Nevers et sur Robertine Barry – des figures de proue d’un Québec libéral, tolérant et laïque autour de 1900 –, dans mes publications sur le théâtre et les films de Robert Lepage, ainsi que dans mon ouvrage, actuellement en voie d’achèvement, sur le journaliste et intellectuel canadien-français d’origine française Paul-Marc Sauvalle. 

Je remercie chaleureusement tous les collègues et amis québécois qui m’ont accompagné dans cette trajectoire qui m’a personnellement beaucoup enrichi.

Françoise Lionnet

Née à l’île Maurice, Françoise Lionnet grandit dans une famille mauricienne d’origine bretonne par son père, dont les aïeux arrivent à Maurice vers la fin de la période coloniale française. Par sa mère et sa grand-mère aux origines mixtes – provençale, hollandaise et sud-africaine –, elle apprend très tôt la valeur de la diversité raciale, religieuse et culturelle. À l’âge de huit ans, elle passe six mois en Afrique du Sud, où elle apprend à parler couramment l’anglais, et acquiert aussi des notions d’afrikaans (cet autre créole) et de zoulou.

À Maurice, elle fait ses études primaires et une partie de ses études secondaires. Ses parents s’installent à La Réunion en 1962, et elle y termine sa scolarité, obtenant son baccalauréat de philosophie en 1966 avant d’être admise en hypokhâgne au lycée Mignet, à Aix-en-Provence. Étant l’aînée de quatre enfants, elle quitte le pays et poursuit ses études supérieures à Aix, bénéficiant de bourses et de séjours linguistiques au Clare College, à Cambridge, en Angleterre, puis à Munich, en Allemagne. 

Sa famille lui manque, mais elle ne reviendra dans l’océan Indien que pour de rares vacances, étant engagée dans un parcours qui va l’amener à Ann Arbor, en Amérique du Nord, en 1969, après l’obtention d’une bourse d’échange avec l’Université du Michigan, où elle se forme à l’enseignement du français, langue étrangère. Elle y décroche sa maîtrise en 1971 et, plus tard, son doctorat. Elle passe les années 1970 à Toronto comme enseignante à Ryerson, avant de terminer sa thèse. Elle se marie, suit son mari qui enseigne à la New School for Social Research à New York, donne naissance à deux enfants et déménage à Chicago, où elle sera en poste à la Northwestern University jusqu’en 1998, année où elle accepte un poste à Los Angeles, ville-monde tentaculaire dont la diversité et la multiplicité lui rappellent l’île Maurice à une tout autre échelle. 

En 1996, ayant obtenu une bourse Fulbright pour enseigner à l’Université de Maurice, elle redécouvre le quotidien de son pays d’origine après des décennies d’absence. Elle renouvelle son contact avec ses frères et sa sœur, et avec les écrivains et les chercheurs mauriciens. Directrice pendant dix ans d’un programme soutenu par la Fondation Mellon, elle laisse une profonde influence sur les études transnationales et encourage les échanges entre Maurice et les États-Unis. En 2015, elle obtient un poste à Harvard et se réjouit de pouvoir y enseigner les cultures de l’océan Indien.

C’est notamment pour son engagement dans la reconnaissance de la multiplicité des cultures et des littératures francophones dans les études universitaires américaines, pour sa défense de la diversité langagière dans un contexte de mondialisation, et pour son soutien aux jeunes chercheurs que le Conseil supérieur de la langue française lui décerne l’Ordre des francophones d’Amérique.

Madame la Conseillère municipale et membre du comité exécutif de la Ville de Québec,
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Chers invités,
Chers collègues et amis, 

Permettez-moi d’abord de remercier très sincèrement les membres du Conseil supérieur de la langue française ainsi que tous ceux et celles qui ont présenté et appuyé ma candidature pour cet honneur que vous m’attribuez aujourd’hui et qui me remplit de gratitude. Je suis profondément touchée et très honorée de me retrouver à Québec, une ville et une région qui ont toujours occupé une très grande place dans mon imaginaire et celui de ma famille mauricienne, très attachée à ses origines francophones.

Née à l’île Maurice dans un milieu qui a longtemps ressenti comme un abandon et une amputation la perte par la France de ce territoire de l’océan Indien et sa cession à la Couronne britannique durant les guerres napoléoniennes, j’ai grandi consciente du poids de l’histoire coloniale et de ses multiples facettes, étant initiée depuis l’enfance à une version de cette histoire qui mettait en parallèle notre région et celle des Amériques francophones, surtout le Canada et la Louisiane, mais aussi Haïti et les Antilles. 

La vente du grand territoire de la colonie de Louisiane aux États-Unis en 1803, puis le traité de Paris de 1814 qui ratifia la cession de l’Isle de France à la Couronne britannique sont des étapes de l’histoire mondiale qui nous donnaient conscience, aussi exigu que soit notre pays, de faire partie d’un immense ensemble compliqué dont les destinées étaient étroitement mêlées. Créolophones tout autant que francophones, nous comprenions intuitivement comment les langues s’enrichissent et se transforment au contact d’autres langues. 

Pays multilingue et multiculturel comme le Québec et le Canada, l’île Maurice m’a donc apporté une ouverture au monde qui a nourri ma curiosité, m’a poussée à en savoir plus et à vouloir comprendre les relations entre les peuples, les métissages et les brassages qui continuent aujourd’hui de définir la culture planétaire. Mes parents attachaient une très grande importance à l’éducation et ils nous ont poussés à faire ce qu’eux n’avaient pas pu faire à Maurice : avancer au maximum dans les études. Ils m’ont encouragée à profiter de toutes les ressources et bourses que j’ai eu la chance d’obtenir. Je regrette qu’ils ne puissent partager ce moment avec moi ici, à Québec, ville qu’ils visitèrent lorsque je venais de commencer ma carrière d’enseignante à Toronto.

Depuis ces années-là, j’ai parcouru un long chemin qui m’a donné la chance de promouvoir langues et littératures françaises et francophones dans plusieurs établissements universitaires américains, d’ancrer ces champs de recherche dans les programmes des associations professionnelles comme la Modern Language Association (MLA) ou l’Association canadienne de linguistique appliquée (ACLA) et, surtout, de former de nombreux doctorants et postdoctorants aujourd’hui titularisés et parmi lesquels on compte de brillants jeunes Mauriciens qui portent le flambeau d’une francophonie mondialisée et tournée vers l’avenir.

Je suis très heureuse de recevoir cette reconnaissance et je voudrais terminer en témoignant de ma profonde conviction que la francophonie américaine se porte bien et qu’elle continue de s’enrichir, à chaque nouvelle génération, de l’apport de toutes les cultures qui l’irriguent depuis toujours.

Kenneth Gaudet

Kenneth Gaudet a œuvré dans le domaine de l’éducation en français tout au long de sa carrière, qui a débuté́ en 1966. Il a contribué́ à l’éducation en français, langue première, qui, aujourd’hui, est toujours parlée en Nouvelle-Écosse.

Il a été enseignant durant les vingt premières années de sa vie professionnelle. Par la suite, de 1986 à 1989, il a été directeur de l’école secondaire de Clare. Il a également travaillé à la Direction acadienne et française du ministère de l’Éducation de la Nouvelle-Écosse, un poste important qui lui a permis d’apporter des changements majeurs en faveur des Acadiens et des francophones néo-écossais à une période où la communauté́ acadienne et francophone de cette province n’avait pas encore son propre conseil scolaire francophone et, conséquemment, n’assurait pas le contrôle sur l’éducation en français. 

Ce poste au ministère de l’Éducation lui a aussi permis d’exercer divers mandats déterminants, que ce soit à titre de président du Comité d’éducation de langue française des provinces maritimes, de membre du bureau de direction de l’Association canadienne d’éducation de langue française, de conseiller au Commissariat aux langues officielles (programmes jeunesse), de membre du Professional Development Assistance Fund du Syndicat des enseignants de Nouvelle-Écosse, de membre du Comité́ consultatif du ministère de l’Éducation sur la programmation scolaire et, enfin, de membre d’un comité́ national des directeurs et des directrices de programmation scolaire. 

De 1990 à 1996, Kenneth Gaudet a été directeur général du Conseil scolaire Clare-Argyle, toujours en Nouvelle-Écosse, et, de 1997 à 2000, il a travaillé à titre d’assistant du député́ fédéral du comté de Nova-Ouest. C’est en 2000 qu’il est élu conseiller scolaire au sein du Conseil scolaire acadien provincial (CSAP) créé́ en 1996. Il en a été successivement le vice-président, de 2000 à 2002, et le président pendant 17 ans, de 2002 à 2019. Sous sa présidence, le Conseil a connu énormément d’avancement et de progrès. 

Tout en assumant ses fonctions au CSAP, il a continué à contribuer à l’épanouissement et au rayonnement des Acadiens et des francophones par divers autres moyens, et plus spécifiquement à titre de coordonnateur par intérim et de conseiller spécial au Bureau des Affaires acadiennes de la Nouvelle-Ecosse. En octobre 2020, il a effectué son dernier mandat à titre de conseiller scolaire au sein du CSAP, organisme dont les retombées et l’essor doivent beaucoup à son dévouement et à sa persévérance. 

C’est notamment pour son engagement dans le maintien et le renforcement de la langue française en Nouvelle-Écosse, pour sa contribution à l’avancement de l’éducation en milieu minoritaire, et pour sa défense des droits des Acadiens et des francophones que le Conseil supérieur de la langue française lui décerne l’Ordre des francophones d’Amérique.

Bonsoir,

C’est un grand plaisir d’accepter cet honneur prestigieux au nom de mon père, Kenneth Gaudet. Il est très reconnaissant de recevoir cette distinction, mais, en raison de certains défis, il devait rester en Nouvelle-Écosse.

Dès 1966, mon père a travaillé en éducation comme enseignant et, jusqu’à tout récemment, comme président du Conseil scolaire acadien provincial. Son parcours l’a toujours amené à valoriser le français, langue première en milieu minoritaire en Nouvelle-Écosse, voire à lutter pour elle. Même après sa retraite professionnelle à plusieurs titres, d’enseignant à directeur général, il avouait que sa mission n’était pas encore accomplie, travaillant extraordinairement comme membre élu pour vingt autres années. Cinquante-trois ans comme parcours en éducation lui valent maintenant un peu de repos. 

La lutte pour préserver et valoriser la langue française en milieu minoritaire n’est pas évidente quand on travaille avec des fonctionnaires et des gouvernements qui n’ont pas une parfaite connaissance des défis à surmonter. Une des grandes qualités de mon père est d’avoir su établir des relations professionnelles et personnelles qui lui ont permis de bâtir les ponts nécessaires à une collaboration fructueuse avec eux. 

Il se tenait aussi informé des activités et des projets des autres conseils scolaires francophones à travers le Canada, ce qui lui a permis à la fois d’apprendre à mieux exercer ses fonctions et à apporter sa collaboration à divers mandats ou travaux.

Je vous remercie donc, au nom de mon père, de l’avoir reconnu pour ses décennies de travail pour les Acadiens et les francophones de la Nouvelle-Écosse.

Linda Cardinal

Linda Cardinal est professeure à l’Université de l’Ontario français à Toronto. Elle est aussi professeure émérite à l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa, où elle a été titulaire de la Chaire de recherche sur la francophonie et les politiques publiques de 2004 à 2019. En 2020 et 2021, elle a été directrice régionale pour les Amériques à l’Agence Universitaire de la Francophonie à Montréal. À ce titre, elle a œuvré au rayonnement de la francophonie et à la promotion de la langue française sur l’ensemble des Amériques. 

Linda Cardinal est reconnue à l’échelle internationale pour ses travaux sur les régimes linguistiques comparés, le constitutionnalisme, la citoyenneté et les minorités. Elle a publié et dirigé de nombreux travaux sur les régimes linguistiques et les politiques linguistiques, ainsi que sur l’action publique. Parmi ses ouvrages, citons Une langue qui pense, paru en 1993, et Une tradition et un droit, écrit en collaboration avec Sébastien Grammond en 2017. Elle a récemment publié, en collaboration avec Jason Luckerhoff et Marc Johnson, le numéro de la revue Enjeux et société sur le thème « Enraciner une nouvelle université au 21e siècle »

Directrice de thèse dévouée, elle a contribué à former des générations d’étudiantes et d’étudiants, devenus universitaires à leur tour au Canada et à l’étranger pour les uns, fonctionnaires et leaders communautaires pour les autres.

Linda Cardinal est aussi une universitaire active dans son milieu. Elle a fait partie du premier conseil d’administration du Centre de la francophonie des Amériques. Elle est l’une des fondatrices du mouvement en vue de faire officialiser le caractère bilingue de la ville d’Ottawa. Elle a organisé deux rencontres sur les rapports entre les francophones du Québec et du reste du Canada en amont du Sommet sur le rapprochement des francophonies canadiennes de juin 2021, présidé par la ministre Sonia LeBel. Elle intervient régulièrement dans les médias, en plus de prêter son expertise à divers comités gouvernementaux et parlementaires.

En 2013, elle a été élue membre de la Société royale du Canada. En 2014, elle a été faite chevalière de l’Ordre des Palmes académiques de la République française. En 2017, elle a reçu l’Ordre du Canada pour ses recherches sur les politiques publiques et les droits linguistiques. En 2020, elle a été récipiendaire de l’Ordre de la Pléiade, Assemblée parlementaire de la francophonie, section ontarienne. En 2021, elle a été reconnue comme l’une des dix personnalités les plus influentes de la francophonie canadienne. 

C’est notamment pour son apport au développement et au rayonnement de la francophonie ontarienne, pour son engagement dans la défense des langues officielles et des droits des minorités linguistiques, et pour sa contribution à l’étude des politiques linguistiques que le Conseil supérieur de la langue française lui décerne l’Ordre des francophones d’Amérique.

Bonjour,

Je remercie les membres du Conseil supérieur de la langue française de l’honneur que vous me faites en m’attribuant l’Ordre des francophones d’Amérique. J’en suis profondément touchée. 

L’Amérique a beaucoup pleuré pendant la dernière année. Elle a pleuré ses aînés, consolé ses jeunes, pansé ses déchirements, affronté ses drames. Cette Amérique à la fois bigarrée, métissée et tissée serrée s’est révélée fragile. Sa confiance en l’avenir a été mise à mal. 

Les francophones de l’Ontario, dont je fais partie, sont pleinement intégrés à cette Amérique. Ils et elles ont une histoire jalonnée de moments de grandes tensions et d’espoir qui se construit depuis plus de 400 ans. L’accès à l’éducation et à l’enseignement supérieur, un domaine dans lequel je travaille depuis plus de 30 ans, a été de tout temps un axe de combat pour la francophonie ontarienne. Tout au long de ma carrière, j’ai été associée à de nombreuses initiatives pour faire avancer le français et la francophonie en Ontario et au Canada. La dernière en date est la création de l’Université de l’Ontario français. 

En 1987, je suis devenue professeure alors que le Canada s’interrogeait sur son avenir constitutionnel. Ce moment formateur sur le plan intellectuel a influencé mon approche de la francophonie canadienne. J’ai rapidement mis les représentations traditionnelles de cette francophonie à l’épreuve des faits au profit d’une conception d’elle-même comme acteur de son propre destin. 

Certes, la francophonie canadienne est un groupe minoritaire, mais elle n’est pas pour autant un groupe mineur. Le français n’est pas une langue mineure ou secondaire au Canada. Il constitue une dimension fondamentale de notre expérience historique dans les Amériques. Le français est une langue publique. Il est une langue de citoyenneté. Il est créateur de lien social et politique. Il s’incarne dans des institutions et appelle à une gouvernance propre. 

En 2021, le Québec et la francophonie canadienne ont réaffirmé leur profond attachement à la langue française et à la francophonie lors du Sommet sur le rapprochement des francophonies canadiennes organisé par le gouvernement du Québec. Ce fut une initiative porteuse d’avenir, riche de la promesse de liens plus étroits entre les francophones et les francophiles du Québec et de partout au Canada. 

Lorsque l’on appartient à un groupe minoritaire, ces événements sont essentiels. Ils font œuvre de rappel des enjeux qui nous unissent et des espoirs qui nous définissent. Nous sommes sans cesse remis en question par les transformations au sein de nos sociétés et nous n’avons d’autre choix que d’adapter l’identité francophone à ses nouvelles conditions afin de réconcilier son passé avec son avenir, et ainsi poursuivre notre travail de construction d’une francophonie dans les Amériques. 

Ce projet d’une francophonie dans les Amériques est une fondation que chaque génération est appelée à renouveler. Et s’il est un principe qui, toujours, est au cœur de cette œuvre de fondation, c’est l’idée qu’un monde commun se construit par une langue commune — un monde commun qui, en l’occurrence, accueille d’autres langues, fait place à la diversité et traverse maintes frontières.

Françoise Sigur-Cloutier

Françoise Sigur-Cloutier est née et a fait ses études à Toulouse, en France. Immigrante reçue au Canada en 1967, elle arrive à Calgary en 1969 avec trois enfants en bas âge, son baccalauréat en philosophie et suffisamment d’enthousiasme pour commencer son baccalauréat en éducation à l’Université de Calgary.

La situation du français à Calgary et dans l’Ouest canadien la propulse dans le « combat de sa vie » pour ses enfants et elle, mais aussi pour toute une communauté. Son engagement comme bénévole puis comme employée de l’Association canadienne-française de l’Alberta est, de loin, la façon la plus efficace qu’elle a de s’intégrer à la société canadienne.  

Parallèlement, Françoise Sigur-Cloutier allait aussi commencer son action féministe, avec la création du Réseau femmes Calgary, qui la mènera à Nairobi, au forum de l’ONU en 1985, et plus tard à la présidence du Réseau national d’action éducation femmes et à celle du Groupe de référence national des femmes sur la problématique du marché du travail/National Women’s Reference Group on Labour Market Issues.

Lorsque la frénésie des Jeux olympiques s’empare de Calgary, elle est aux langues officielles de Petro-Canada et sera parmi ces milliers de bénévoles qui ont fait le succès retentissant de Calgary 88. En 1990, elle devient la première directrice générale de la Fédération provinciale des Fransaskoises en Saskatchewan, rôle pour lequel elle sera reconnue comme l’une des cent femmes qui ont exercé une influence sur la société canadienne.

En 1993, elle se joint aux Éditions de la nouvelle plume, en sera la présidente de 2002 à 2012, et c’est sous sa direction que la maison d’édition développera ses collections, ce qui lui vaudra la reconnaissance du Conseil des arts du Canada. Pour son action à cette maison, elle recevra le Prix du livre français en 2013 et la Médaille du souverain en 2016. De 1994 à 2012, elle est chef des services des communications régionales pour la Société Radio-Canada. Elle y favorisera entre autres, avec conviction, une collaboration soutenue avec le milieu fransaskois. 

En 2012, elle est élue à la présidence de l’Assemblée communautaire fransaskoise. Elle y restera jusqu’en 2018 après avoir œuvré aux dossiers les plus névralgiques de la communauté, notamment l’enseignement postsecondaire et l’immigration. Françoise Sigur-Cloutier retourne à Calgary en mai 2019 pour se rapprocher de sa famille. Elle continue à contribuer activement à sa communauté, que ce soit aux niveaux local, provincial ou national.

C’est notamment pour sa contribution au rayonnement de la francophonie canadienne en milieu minoritaire, pour son soutien aux initiatives et aux projets des communautés francophones de l’Alberta et de la Saskatchewan, et pour son engagement à l’égard de l’éducation, de l’immigration et de l’édition francophones que le Conseil supérieur de la langue française lui décerne l’Ordre des francophones d’Amérique.

Distingués invités,
Mesdames, messieurs,
Chers amis,

Dire que je suis surprise, étonnée et ravie de me retrouver ici devant vous aujourd’hui est un euphémisme! Aussi, c’est pleine de reconnaissance et avec humilité que je m’adresse à vous aujourd’hui : merci à ces bienveillantes personnes qui ont proposé ma candidature et à ces non moins bienveillantes qui l’ont acceptée! Me retrouver parmi ceux et celles que j’appelle des géants de ces communautés de l’Ouest canadien, du Canada ou d’ailleurs, déjà reconnus par le Conseil supérieur de la langue française, est un grand privilège, mais qui comporte aussi son lot de responsabilités.

Lorsque je suis arrivée à Calgary  en 1969, jeune immigrante avec trois enfants en bas âge, Claire, 4 ans, Isabelle, 3 ans et Laurent, presque 2 ans, je savais que commençait une belle et grande aventure, mais je ne me doutais pas à quel point elle serait enrichissante, stimulante et contraignante, ni même qu’elle me conduirait devant vous aujourd’hui!

« La nécessité est mère de l’invention », a dit Platon, et c’est donc à partir de besoins très personnels - des services en santé et des ressources éducatives, culturelles et récréatives pour mes enfants, par exemple - qu’a débuté mon implication communautaire et que « mon personnel est devenu politique ».  Comme «  je ne savais pas que c’était impossible, je l’ai fait » grâce à la confiance, à l’appui et à la bienveillance de leaders de cette attachante communauté francophone de Calgary. Ici, je ne citerai que Jean Toupin, à qui je voue une éternelle reconnaissance, et Michel Cloutier, mon fidèle compagnon qui au fil des ans est devenu mon conjoint.

Après l’Alberta, j’ai vécu l’expérience fransaskoise et je m’en voudrais de ne pas souligner ce que les Fransaskoises et les Fransaskois m’ont apporté de leur résilience, de leur fierté et de leur détermination, que ce soit avec mon action particulièrement auprès des femmes qui ont bâti cette communauté, une réunion, une conviction, un enfant à la fois, ou que ce soit avec mes 20 ans dans le domaine de l’édition, où j’ai continué l’œuvre d’un visionnaire en m’assurant que ces voix des Prairies se fassent entendre haut et fort à travers le pays et même au-delà.  

Célébrer l’Année des Fransaskois, avec une mission au Québec en 2012, a définitivement scellé mon attachement à cette communauté qui malgré ses petits nombres, son éparpillement et ses nombreux défis se tient fièrement debout face au grand vent de la plaine, comme une solide cathédrale.

Le français est la langue de mon cœur, la langue de ma vie, mais dans nos communautés, cette langue est toujours vulnérable et ça prendra plus que la volonté et le travail laborieux de passionnés et de convaincus pour lui garder la place qui lui revient dans ces  bulles au nord du continent américain et pour que mon arrière-petit-fils Arthur puisse s’épanouir en français en Alberta. Le récent Sommet sur le rapprochement des francophonies canadiennes est une initiative essentielle et louable. 

C’est ensemble que nous avons un espoir d’avenir.

Biz

Écrivain, rappeur et scénariste, Biz, de son vrai nom Sébastien Fréchette, est membre du groupe Loco Locass. Le trio a fait paraître quatre albums de 2000 à 2012, soit ManifestifIn VivoAmour oral et Le Québec est mort, vive le Québec!, et a remporté trois Félix, dont celui d’auteur-compositeur-interprète en 2005.

La formation a aussi publié deux recueils, Manifestif en 2000 et Poids plume en 2005, permettant aux lecteurs de goûter sa poésie dense de références intertextuelles et de métaphores. 

Par ailleurs, lassé que le hockey des Canadiens de Montréal ne se conjugue musicalement qu’en anglais, le groupe dote ses partisans d’une chanson de ralliement en français, intitulée Le but, alors que les séries éliminatoires de 2009 battent leur plein. En 2010, Le but et la chanson intitulée Hymne à Québec, composée dans ce dernier cas pour la téléréalité La série Montréal-Québec, deviendront les deux titres francophones les plus téléchargés au Canada.

En parallèle à sa carrière de rappeur, Biz décide de s’atteler à une carrière dans la littérature. Virtuose de la langue, il jongle avec les mots et les lettres. À titre d’auteur, il a publié huit romans chez Leméac : Dérives (2010), La chute de Sparte (2011), Mort-Terrain (2014), Naufrage (2016), La chaleur des mammifères (2017), Cadillac (2018), Les abysses(2019), L’horizon des événements (2021) et un livre pour enfants, C’est Flavie (2018). En 2012, La chute de Sparte a reçu le Prix jeunesse des libraires du Québec et le Prix du livre jeunesse des Bibliothèques de Montréal. En 2015, Mort-Terraina remporté le Prix littéraire France-Québec. 

En tant que scénariste, Biz a coréalisé le documentaire Maudite machine! (2002). Il a aussi coscénarisé l’adaptation cinématographique de son roman La chute de Sparte (2018). À l’automne 2020, il a coanimé avec Samian le documentaire Oka, 30 ans après, diffusé sur la chaîne Historia. Depuis 2011, il collabore au club de lecture de l’émission de la radio de Radio-Canada Plus on est de fous, plus on lit! Il tient aussi une chronique Sport et société dans l’émission de Jean-Charles Lajoie à TVA Sports. 

En 2012, Biz a été professeur d’expression orale à l’émission Star Académie. En 2019, il obtient la distinction Mérites du français dans la culture, décerné par l’Office québécois de la langue française, pour sa contribution à l’usage, au rayonnement et à la mise en valeur du français, ainsi qu’à la vitalité et à l’enrichissement de la culture de langue française.

C’est notamment pour son talent à jouer avec les mots dans une poésie innovante, pour sa promotion du français dans un style musical, et pour sa contribution à la vitalité de la langue française et à la sauvegarde du patrimoine linguistique québécois que le Conseil supérieur de la langue française lui décerne l’Ordre des francophones d’Amérique.

Mesdames, Messieurs,

Je suis particulièrement honoré et touché de recevoir ce prix et pour paraphraser Gaston Miron, je suis sur la place publique avec les miens et la francophonie n’a pas à rougir de moi. Je suis heureux, fier et ému aussi de recevoir ce prix, notamment en raison de sa dimension continentale. 

Je confesse qu’en tant que Québécois, j’ai longtemps pensé que le Québec était le seul dépositaire de la francophonie en Amérique, ce qui est évidemment faux, comme en font foi toutes les réalisations des récipiendaires.  

Et en ce sens, ma réflexion identitaire en tant que Québécois francophone a évolué au fil de mes lectures, de mes réflexions et de mes voyages aussi, dans l’Ouest, en Acadie et même aux États-Unis, de sorte que maintenant, j’ai opéré un désenclavement identitaire dans ma façon de me percevoir comme francophone et j’en arrive à la conclusion que nous allons nous épanouir tous ensemble ou disparaître chacun de notre côté.

Ainsi, j’aimerais dédier un texte de Loco Locass que nous avons intitulé Les géants, puisque vous avez fait allusion aux géants de la francophonie, texte qui aurait pu être écrit pour cette intronisation tellement il est à propos. Je le dédie à vous tous et à vous toutes, mes corécipiendaires, dont l’acharnement et la résilience forcent l’admiration et le respect.

Donc, pour vous, Les géants :

Nous sommes issus d’un sol immense, qui nous a tissés métissés
Rebuts de brins de laine tressés très serrés
Sans couture au sein d’une ceinture fléchée
Comme quelque queue clinquante de comète effilochée
Et si l’on suit le fil de notre texte, il
Mène à la sortie du labyrinthe de Pan
Qui nous éreinte depuis qu’ils ont mis nos torts dedans
Ils ont conquis nos territoires, pillé notre histoire et volé notre mémoire
Avec leurs thèses de fous, ils nous ont dit : « Taisez-vous!
Vous êtes comme Thésée sans sa ficelle, perdus, déboussolés
Vous n’êtes pas vous
Vous êtes nous
Vous êtes dissous
Vous ne valez pas 10 sous
Notre substrat vous subsume et la comparaison vous consume. »

Faux !

Nous venons d’avant, nous sommes antérieurs
Nous sommes des créateurs, pas des créatures, pas des caricatures
Notre maison n’a pas de cloisons
Mais quatre saisons
Acclimatés au climat
Et faisant fi du frimas
Nous avons parcouru par ses artères tout un continent titan
Notre espèce aspire à l’espace et son empreinte est partout
Tapie dans la toponymie
Gravée dans le granit
Arc-boutée dans les arches de nos dingues digues dignes de la muraille de Chine
Dans les champs essouchés sous la lune
Et les racines d’un hêtre qui ne peut plus plier
C’est une histoire riche qui n’est sur aucune affiche 
Et qu’on a laissé en friche 
Dans nos caboches, ce n’est que roches et fardoches
Cosmogonie à l’agonie
Dans le tome fantôme d’une mémoire moisie

Sur nos épaules on porte pourtant le pack-sac d’un passé épatant
Mais allons-nous mourir en nains quand nous sommes nés géants?
Sitôt venus au Nouveau Monde
On a dompté les hivers et fabriqué de la terre
On avait la tête à la fête et le cœur au labeur
Opiniâtres, on n’a jamais laissé mourir le feu dans l’âtre
Car nous avons la tête à Papineau
La longue langue loquace de Da Costa
Le cœur-corsaire de d’Iberville
Qui envoie en nos veines
Le pur-sang mêlé-mêlé de Riel et des Premières Nations
Nous avons l’aviron de Radisson, la vigueur de La Vérendrye
Les jarrets de Jolliet et tous les talents de l’intendant Talon
En somme, nous sommes des surhommes uniques
Générés par le génie génétique de l’Europe et de l’Amérique

Inéluctablement, nous voguons vers le néant
Mais allons-nous mourir en nains quand nous sommes nés géants?

Vive la francophonie!

Zita De Koninck

Professeure émérite de la Faculté des lettres et des sciences humaines de l’Université Laval, Zita De Koninck est spécialiste de la didactique des langues secondes. Née de parents flamands, elle étudie en linguistique française et en psychopédagogie, et enseigne d’abord dans l’Ouest canadien, en Espagne et en Belgique. De retour au Québec, elle participe à la francisation des entreprises et s’engage dans le milieu scolaire où s’ouvrent les premières classes d’accueil.

Elle a consacré l’essentiel de sa carrière à l’intégration des élèves allophones à la société québécoise, multipliant les interventions dans les milieux scolaires, contribuant à la formation des enseignants, et publiant des ouvrages pédagogiques et des rapports de recherche sur le sujet. Elle a dirigé ou codirigé quinze étudiants au doctorat et trente étudiants à la maîtrise, plusieurs devenant professeurs d’université ou enseignants dans des collèges ou des écoles, contribuant à leur tour à l’essor de la francophonie en Amérique ou ailleurs dans le monde. Son plus grand défi pédagogique aura été celui de l’intervention auprès des élèves allophones en grand retard scolaire.

Ses principales contributions se situent au chapitre de projets d’éducation interculturelle, de façons de faire novatrices pour soutenir l’apprentissage du français non seulement dans les cours de français langue seconde, mais dans toutes les matières scolaires et, au sein de la vie des écoles, de la production d’outils d’enseignement et d’évaluation destinés aux milieux pluriethniques, ainsi que de la conduite de recherches de pointe menées auprès de la population allophone.

Son engagement pour l’épanouissement de la francophonie s’est concrétisé par la mise sur pied d’ententes avec des établissements d’enseignement dans une vingtaine de pays pour permettre aux futurs enseignants d’aller enseigner le français ailleurs dans le monde. Cet engagement s’est aussi manifesté par son rôle de responsable pédagogique (2004-2014) au sein des Stages de perfectionnement en langue, culture et société québécoises, accueillant à l’Université Laval des enseignants en provenance de tous les continents, et par les nombreuses missions effectuées en Europe et en Amérique du Sud pour l’Association internationale des études québécoises (AIEQ). Elle a de plus été l’instigatrice, en 2017, des ateliers Rêver en français destinés aux étudiants internationaux inscrits aux études supérieures et postdoctorales. 

Sa nomination comme conseillère scientifique au Fonds de recherche du Québec – Société et culture (2020-2025) fait naturellement suite à ses avis d’experte dont la portée a été appréciée, notamment sur les enjeux liés au développement de la littératie précoce et en milieu scolaire.

C’est notamment pour son engagement dans l’intégration des élèves allophones à la communauté francophone, pour sa contribution à la formation d’enseignants de français langue seconde, et pour son apport à la recherche universitaire et à la francophonie internationale que le Conseil supérieur de la langue française lui décerne l’Ordre des francophones d’Amérique.

Madame la Conseillère municipale,
Monsieur le Président du Conseil supérieur de la langue française,
Distingués invités,
Mesdames et Messieurs,

C’est avec émotion que je reçois aujourd’hui l’insigne de l’Ordre des francophones d’Amérique. Je tiens d’abord à remercier le Conseil supérieur de la langue française de me faire cet honneur. Le chemin parcouru a été exigeant, mais surtout passionnant, et je peux maintenant croire que j’ai pu changer le cours des choses pour de nombreux immigrants et leurs enfants. 
 
Née de parents flamands ayant immigré ici, j’ai été très tôt sensibilisée à l’importance de la langue. À l’école, mon nom de famille étranger (il n’a pas encore été francisé) faisait la risée des « amies » et il en allait de même pour l’accent, lors des séances de lecture à haute voix. Il faut dire qu’à la maison, bien parler français était une valeur fondamentale; le choix du mot juste, un devoir. Oser le discours vague était risqué, car un dictionnaire siégeait au centre de la table. Très tôt, l’amour des mots m’a gagnée!

Après une formation en linguistique et en didactique, plusieurs expériences d’enseignement — en Colombie-Britannique, en Espagne et en Belgique — m’ont marquée et, une fois de retour, ont fait en sorte que je trouve ma place dans le milieu des classes d’accueil ou de l’intégration des élèves allophones. Le chemin semblait tracé, il n’en était pas moins sans embûches ni détours, mais je n’étais pas seule pour l’emprunter. 

Au chapitre des questions de langue, il faut redoubler d’efforts pour ébranler les idées reçues et vouloir changer les choses; c’est sur cette voie que je me suis engagée afin que les enseignants et enseignantes, peu outillés pour prendre en charge des élèves allophones, aient l’envie et la conviction qu’ils pouvaient faciliter leur intégration. D’abord, en reconnaissant que le maintien de la langue d’origine est un tremplin pour l’apprentissage du français et non une entrave, que les jeunes qui apprennent une nouvelle langue ne sont pas des enfants en difficulté d’apprentissage et qu’il est bénéfique de s’initier à une langue par le biais des matières scolaires. Je dois donc remercier tous ces enseignants et enseignantes qui se sont engagés avec moi à réfléchir sur leurs pratiques et à les ajuster pour contribuer à la réussite scolaire des jeunes issus de l’immigration. 

Je dois remercier l’Université Laval et plusieurs organismes de m’avoir permis de mener des recherches pour tester des intuitions et ainsi contribuer à l’avancement des connaissances et, surtout, à celui des pratiques. Aussi, par son Bureau international, je remercie l’Université Laval d’avoir soutenu des jeunes dans la réalisation de stages d’enseignement à l’étranger, lesquels leur ont fait vivre un choc culturel en même temps que leurs premiers pas dans l’enseignement du français langue étrangère; ils en sont revenus transformés et prêts à relever de grands défis. 

Pour conclure, l’une de mes plus grandes fiertés est d’avoir accompagné, à la maîtrise ou au doctorat, plusieurs étudiants et étudiantes issus de tous les continents qui, désormais, sont devenus les meilleurs ambassadeurs de la langue et de la culture québécoises. À cette dernière s’ajoutent les ateliers de formation et de conversation Rêver en français, dont je suis l’instigatrice. Destinées aux étudiants d’origine étrangère inscrits aux études supérieures ou postdoctorales, toutes disciplines confondues, ces rencontres permettent à ces étudiants d’apprivoiser le français, de s’intégrer et de découvrir, à travers la langue, la culture du Québec.

Dernière mise à jour : 28 avril 2023

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